Une histoire politique du pantalon by Christine Bard

Une histoire politique du pantalon by Christine Bard

Auteur:Christine Bard [Bard, Christine]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire, Savoir
Éditeur: Seuil
Publié: 2010-08-04T04:00:00+00:00


Le couple paraît égalitaire, comme le suggère la symétrie des deux personnages et de leurs vêtements. Il concède toutefois un léger avantage à Hortense qui gagne pour l’écartement des jambes, des bras, pour la carrure (exagérée par ses manches ballons) ; elle dépasse même son compagnon, légèrement en retrait derrière elle. Que reste-t-il au dominant ? Une taille supérieure. Et le rappel de la loi, épée de Damoclès menaçant les femmes émancipées. Le dessinateur donne ici une version bon enfant, dénuée de misogynie, du vieux conflit intersexuel. Le dialogue de ce couple est généralisable. Les femmes n’ont-elles pas, finalement, toujours porté la culotte ? C’est bien ce qui est suggéré, à propos des milieux populaires urbains où la femme joue souvent le rôle de « ministre des Finances ».

En 1895 encore, Willette publie à la « une » du Courrier français (26 août) un dessin sur le même thème. Un groupe de femmes en culottes, en plein conciliabule, disent : « Allons, Lépine, laissez-nous nos culottes, car l’Histoire rigolerait de trop, si Lépine et sa police y fourraient leur nez ! »

La mode est un puissant facteur de légitimation du changement vestimentaire et rend ridicules les velléités d’interdiction. Une véritable mode sportive se développe, sous influence anglaise : au tournant du siècle, des tenues sont conçues pour l’alpinisme, l’escrime, le patinage, le yachting, le golf, le tennis, l’équitation et la chasse, certaines comportant un pantalon et des bottes (chaussures masculines par excellence), mais elles demeurent beaucoup moins confortables et rationnelles que les tenues des hommes. L’exemple le plus éloquent est celui des cyclistes, dont les culottes bouffantes et la simple chemise polarisent l’attention. Ces culottes font penser au pantalon « de zouave » porté par les cavaliers indigènes supplétifs de l’armée française au XIXe siècle. Les spahis algériens ont un burnous rouge et le pantalon arabe (avec des graphies variées : saroual, seroual, serouel), très ample. À partir de la fin de l’année 1914, leur nouvelle tenue se compose d’un « sarouel » moins ample et à jambes séparées, dite « culotte cycliste » ou « culotte russe », et d’une veste de coupe européenne en drap moutarde ou kaki. Cette occidentalisation du costume qui commence à les aligner sur les soldats métropolitains est donc assez récente et représente sur un plan symbolique une meilleure intégration, une réduction de la différenciation raciale. Au tournant du siècle en tout cas, l’expression « culotte de zouave » n’est pas chargée de connotations très positives. Lorsque la culotte cycliste évoque le pantalon des femmes arabes, c’est tout l’imaginaire du harem qui est sollicité. Pour Mme de Saint-Georges, c’est un pantalon de femmes soumises, qui ne peut être un symbole d’émancipation féminine : mieux vaut laisser aux hommes, « qui se croient nos maîtres », « leur vilain costume »36.

Le Journal amusant, reproduit dans La Femme en culotte, 1899



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