Une histoire de l'Inde by Eric Paul Meyer

Une histoire de l'Inde by Eric Paul Meyer

Auteur:Eric Paul Meyer [Meyer, Eric Paul]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire
ISBN: 9782226434777
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2019-03-31T22:00:00+00:00


Cultes dévotionnels et cultures populaires « vernaculaires »

Dans sa version populaire, le mouvement d’islamisation doit être resitué dans une tendance culturelle beaucoup plus large, où les courants dévotionnels hindous ont une place prépondérante, et qui va bien au-delà, puisqu’elle entraîne, à l’échelle de l’ensemble de l’Inde, l’essor d’une production littéraire et artistique s’exprimant dans les langues populaires régionales8. Aujourd’hui encore sous-estimée par beaucoup d’auteurs, cette tendance majeure de l’histoire médiévale a été qualifiée de « vernacularisation » par Sheldon Pollock, spécialiste d’histoire culturelle, qui souligne que l’Europe et l’Inde ont connu au même moment de leur histoire un processus de formation d’identités culturelles à partir des parlers populaires régionaux, tandis que le sanskrit et le latin restaient langues de haute culture mais perdaient leur monopole9. Ce phénomène est au départ totalement indépendant du développement de l’islam. On le voit à l’œuvre à partir du VIIIe siècle, dans les inscriptions où la place du sanskrit se réduit au bénéfice de celle des langues régionales, dans la traduction dans ces langues des grandes œuvres sanskrites, et dans l’apparition d’une littérature vernaculaire. Il se produit d’abord dans le sud de l’Inde, sous les Rashtrakuta et les Chola. En Inde du nord, il est plus tardif, la prépondérance brahmanique y donnant au sanskrit un appui durable, tandis que les formes populaires de la bhakti s’y expriment dans le cadre de sectes comme celle des Nâths shivaïtes qui exercent une influence considérable dans les régions du Gange avec Gorakhnâth (XIe-XIIe siècle). Les prédicateurs soufis du XIIIe siècle contribuent largement à l’essor de la culture vernaculaire, et très vite les cours hindoues l’adoptent, assurant le succès de deux ancêtres du hindi et de l’ourdou, la langue braj (dans laquelle Vishnudas donne une version du Mahâbhârata), et la langue awadhi (dans laquelle Tulsi Das compose un Râmâyana). À la fin du XVe siècle, Kabir, qui incarne mieux que tout autre cette culture nouvelle, exprime par une image forte les vertus de la langue populaire (bhâsa) : « Le sanskrit est comme l’eau du puits, mais la bhâsa est comme l’eau vive du ruisseau. » Les formes nouvelles d’expression religieuse, leur accessibilité au plus grand nombre requéraient l’emploi de la langue populaire, et en assuraient la promotion. On ne peut manquer de rapprocher les œuvres de ces poètes indiens des Fioretti de saint François d’Assise, lui aussi issu d’une société urbaine en plein essor.

La dimension la plus visible de cette culture populaire est la poésie habitée par l’hindouisme dévotionnel qui, après avoir fleuri dans le sud tamoul, prend son essor en Inde de l’ouest et au Bengale. Des chanteurs illettrés, généralement issus de castes inférieures, s’inspirent initialement de brahmanes qui ont rénové la tradition par l’expérience de la bhakti : le Tamoul Ramanuja (fin XIe siècle), le Bengali Jayadeva (fin XIIe siècle), auteur du Gîtagovinda, poème en l’honneur de Krishna, qui devient un texte de référence pour des générations de mystiques, et le Marathe Jñândev (fin XIIIe siècle), auteur du premier commentaire de la Gîtâ en marathi. Jñândev



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