Une collaboratrice (French Edition) by Thibault Delavaud

Auteur:Thibault Delavaud [Delavaud, Thibault]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2022-06-04T22:00:00+00:00

8. « N’oublie pas que tu m’as aimée »

De manière surprenante, je ne ressens pas la lassitude habituelle des liaisons qui s’installent dans le temps. La grande majorité des relations que j’entretiens durent plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Elles sont de nature quasi-exclusivement sexuelle et finissent par s’épuiser, tel un feu qui s’éteint progressivement. Ma relation avec Clémence n’entre pas dans cette catégorie. Elle n’est pas une amante ordinaire puisque la complicité que nous avons nouée dans le monde professionnel a créé un lien fort entre nous. Elle parvient de surcroît à conserver une part de mystère qui continue d’aiguiser ma curiosité et mon désir.

Un ami, un jour, m’a demandé ce qui me poussait à multiplier les aventures et les histoires sans lendemain. Je n’avais pas été capable de lui répondre de manière précise sur le moment. Ce n’est qu’au prix d’une introspection que j’étais parvenu à trouver une réponse. Outre l’excitation provoquée par le jeu de la séduction et l’ivresse des rapports sexuels, je puise dans ces nombreuses liaisons une force vitale. Elles forment un fil conducteur à mon existence, telle une quête pour comprendre les êtres humains. On dit que la séduction n’est qu’une forme de mensonge. Je pense tout l’inverse. Puisque le désir sexuel est le plus puissant des désirs et qu’il constitue notre élan premier, on montre son véritable visage lorsqu’on séduit autrui. Nos stratagèmes, nos maladresses et notre volonté de plaire révèlent qui nous sommes. Et il en est de même dans la jouissance. Dans les bras d’un amant, on ne peut être que soi-même. Ainsi, lorsque, dans l’extase, se dévoile ma compagne, je saisis une authentique parcelle d’humanité. Toutes ces femmes avec lesquelles j’ai fait l’amour incarnent différentes nuances de la nature humaine, dont j’esquisse le portrait nuit après nuit, telle une fresque.

J’ai le pressentiment que Clémence est un élément majeur de ce portrait. Bien sûr, il y a son exceptionnelle beauté mais je ne recherche pas tant la beauté que le caractère. J’ai parfois séduit des femmes au physique ordinaire ou décevant, mais toutes possédaient une forme de beauté : une silhouette avantageuse, un regard hypnotique, un charme indescriptible… C’est cet attribut qui m’intéresse et qui m’attire, il révèle une personnalité atypique et affirmée, comme une porte d’entrée pour découvrir l’univers intérieur d’autrui. Voici ce que je recherche pour peindre ma fresque. En Clémence, j’ai trouvé un inspirant modèle.

Pourquoi une femme comme elle, exceptionnellement belle, intelligente, demeure-t-elle si simple, presque banale ? Et pourquoi souhaite-t-elle en même temps protéger farouchement sa vie privée, ne l’évoquant jamais ou seulement par allusions ? Elle ne semble pas vouloir être en couple et elle ne possède pas d’ambition particulière, comme si chaque jour n’avait aucun autre horizon que sa propre fin et que l’intensité d’une journée suffisait à remplir son existence. Elle ne m’a jamais parlé de ses plans de carrière, de sa volonté de vivre en province ou à l’étranger, ou de réaliser tel voyage. Est-ce par pudeur ? Je n’en suis pas sûr. Je pense qu’elle aspire à mener une vie paisible.

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