Une arche de lumière by Dermot Bolger

Une arche de lumière by Dermot Bolger

Auteur:Dermot Bolger [Bolger, Dermot]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Irlandaise
Éditeur: Joëlle Losfeld
Publié: 2022-01-06T17:59:28+00:00


Chapitre onze

La Sonate au clair de lune

Londres, 15 septembre 1966

Sans Alan, elle n’aurait jamais tenu cette nuit-là, après l’arrivée de l’ambulance et de la police, qui scella comme une scène de crime le sous-sol de la maison de Jonathan. L’inspecteur insista pour qu’elle appelle quelqu’un. Au ton de sa voix, Alan sut ce qui était arrivé avant même qu’elle le lui dise. C’est lui qui vint la chercher à l’hôpital où le corps de Francis fut emporté tard dans la nuit. Puis il l’emmena chez lui. Calme et discret, il sentit instinctivement qu’elle voudrait s’asseoir dans le clair de lune sur une des chaises en fer forgé du patio, près de la bordure herbacée que Francis avait plantée l’année précédente quand il remodelait méticuleusement le jardin d’Alan. Eva imagina son fils plantant avec soin chaque bulbe, conscient de son besoin de lumière et d’espace. Sa personnalité semblait irradier de l’assemblage des buissons, son ouvrage encore plus beau maintenant que les nuages s’étaient écartés, laissant place aux constellations d’étoiles.

Alan insista pour qu’Eva boive un gin bien tassé, mais elle refusa et lui demanda plutôt de simplement prendre sa main. Il s’installa à côté d’elle, sans se plaindre une seconde alors qu’elle serrait ses doigts au point de les écraser, elle en avait conscience. Mais elle ne pouvait pas les lâcher. Né comme elle sous le signe du Scorpion, Alan comprenait qu’elle avait avant tout besoin d’un soutien silencieux. Elle lui fit promettre de ne pas téléphoner à ses deux jeunes nièces qui vivaient dans le quartier. Elles étaient de merveilleuses jeunes filles en fleur, mais elles voudraient prendre Eva dans leurs bras, l’embrasser et la consoler alors qu’elle ne désirait rien de tel. Son chagrin était trop réel pour que quiconque s’y immisce physiquement. La vie qu’elle avait eue avant de découvrir Francis mort lui semblait celle d’une autre. Il lui était impossible d’imaginer qu’à un moment elle allait se lever, sortir de ce patio et reprendre le cours de son existence. Pourtant elle ne pouvait pas se permettre ces pensées égoïstes, car Francis lui avait laissé des instructions précises. Elle avait des télégrammes à envoyer de toute urgence et elle se demandait où elle trouverait la force de s’atteler à cette tâche. Les yeux fermés, elle voulut desserrer ses doigts autour de ceux d’Alan, mais la douleur avait raidi sa main comme la pire crise d’arthrite ne le ferait jamais. Les portes-fenêtres étaient ouvertes, inondant le patio de lumière. Le visage d’Alan se crispa sans qu’il dise un mot, se plaindre était hors de question. Eva réussit enfin à relâcher sa prise. Elle vit que la paume d’Alan était décolorée là où elle y avait planté ses ongles et s’excusa de lui avoir fait mal.

« Tout va bien, dit-il. Tu pourrais enfoncer tes ongles dans ma chair toute la nuit sans que je ne ressente même une bribe de la douleur qui est sûrement la tienne. Veux-tu que j’essaie encore de joindre le Kenya ? »

Eva secoua la tête. Il avait déjà sans succès tenté d’appeler Hazel.



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