Un ambassadeur russe à Paris by Alexandre Orlov & Renaud Girard

Auteur:Alexandre Orlov & Renaud Girard [Orlov, Alexandre & Girard, Renaud]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Autobiographie
ISBN: 9782213714875
Éditeur: Fayard
Publié: 2020-10-21T07:06:32+00:00

En janvier 2007, je suis rentré à Moscou pour rejoindre mon ministère, où je fus nommé directeur du département responsable des relations avec les sujets de la Fédération (les 83 régions dépendant de la Fédération de Russie), le Parlement, les cultes et la société civile. Ce département n’existait pas au sein du ministère des Affaires étrangères de l’Union soviétique. C’était une invention récente, avec une double mission, rendre le travail du ministère plus transparent, et accompagner divers acteurs non étatiques dans leurs relations avec les pays étrangers : une sorte de diplomatie populaire. Le champ d’action était donc très vaste, et le travail intéressant.

La France a choisi une autre façon pour répondre au même besoin : elle a créé la fonction des conseillers diplomatiques auprès de diverses administrations. Cette institution me paraît être plus fonctionnelle, et j’ai proposé à mon ministère de s’en inspirer, mais je n’ai pas été entendu.

Ce nouveau travail m’a permis d’élargir considérablement mes connaissances et mes compétences, et a sans doute été utile pour me préparer au poste d’ambassadeur à Paris. Il m’a notamment donné l’occasion de faire la connaissance du patriarche Cyrille et des chefs musulmans de la Russie. Le patriarche Cyrille est un homme extrêmement intelligent, cultivé, ouvert, un grand diplomate. Son travail au sein du Conseil mondial des églises à Genève, de 1971 à 1974, lui a permis de connaître le monde entier, de nouer des contacts avec les représentants d’autres églises, notamment l’Église catholique. Durant les années 2007-2008, je l’ai accompagné dans plusieurs de ses voyages à l’étranger, notamment sur le Mont-Athos et à Jérusalem.

Le Mont-Athos est une république monastique, une communauté autogérée de vingt monastères orthodoxes. Elle est située sur la presqu’île de Khalkidiki, au nord-est de la Grèce. Les moines ont commencé à s’y installer à partir du VIIe siècle. Sur le plan canonique, le Mont-Athos, qui veut dire en grec « la montagne sacrée », relève de la juridiction du patriarche de Constantinople. La souveraineté de la Grèce sur le Mont-Athos est confirmée par le Traité de Lausanne de 1923. La population du Mont-Athos est légèrement supérieure à 2 400 hommes. Les habitants de la presqu’île vivent selon le calendrier julien. Pour tous les orthodoxes du monde, le Mont-Athos est l’apanage de la Vierge. C’est un endroit unique au monde, un univers hors du temps. Cette république de moines vit en dehors de son fuseau horaire : les heures sont calculées en fonction du lever du soleil et, par conséquent, changent tous les jours. Sur la presqu’île, il n’y a aucun commerce. Toute la vie se passe à l’intérieur des monastères, qui appartiennent aux différentes églises orthodoxes. L’Église orthodoxe russe y possède aussi son pied-à-terre, le monastère Saint-Panteleimon.

Lorsque je suis venu dans ce monastère pour la première fois, je me suis senti complètement perdu. Les prières, dans les églises des monastères, ne s’arrêtent pas une seule minute : les moines passent tout leur temps en prières, jour et nuit. Les repas, assez modestes, sont organisés de façon collective autour de deux grandes tables dans le réfectoire.

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