Tuva Moodyson T2: Neige rouge by Will Dean

Tuva Moodyson T2: Neige rouge by Will Dean

Auteur:Will Dean [Dean, Will]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Belfond
Publié: 2022-04-14T08:42:50+00:00


27

Je ressens un besoin urgent d’aller voir papa et maman. Je prends donc la direction du cimetière, le petit, près des magasins de bricolage à l’extérieur de la ville.

Aucune voiture n’est garée dans le coin. La neige au sol a dégelé, car il fait 5 bons degrés de plus ici qu’à Gavrik. À Karlstad, les jonquilles éclosent une quinzaine de jours avant chez nous. Des arrosoirs en plastique pendent à des crochets et à côté un bac à compost, couvercle ouvert.

Les concessions sont bien entretenues, même si, en février, tout prend une teinte sinistre. Je passe devant de vieilles stèles, envahies par les mauvaises herbes, et devant de plus récentes, toutes en marbre noir brillant avec des inscriptions en lettres or. Je contourne les tombes les plus fraîches, dont les mottes de gravier ne sont pas encore tassées. Je n’arrive pas à poser les yeux dessus. C’est trop. Je peux marcher sur des stèles vétustes, mais pas sur les neuves. Ça ne me semble pas correct.

Maman et papa se trouvent juste devant, côte à côte. Avec une place en plus à côté de papa, pour votre reporter préférée. Et voilà, ce sera tout, fin de la lignée, le trio des origines. Les parents de maman sont enterrés quelque part au nord, près d’Umea ; et ceux de papa, à Stockholm.

Je m’approche d’eux.

Le côté de papa est plat, dégagé. De l’herbe jaunie, un chandelier vide, posé à un angle, et le 25 juin, ce jour atroce, gravé à jamais dans le granit. Et puis, ce monticule à côté pour maman. L’un des plus récents alentour. Sa forme affreusement gonflée. Une colline de gravier gris-rose, aux dimensions de son cercueil. Logique. 2 mètres de long et 80 centimètres de large, et c’est presque comme si elle poussait depuis les entrailles de la terre.

C’est qu’il fait chaud, là-dessous. J’ai fait des recherches, après avoir vu cette étrange cuve de propane qui chauffait le caveau de Gustav Grimberg. Les 30 premiers centimètres environ gèlent en hiver ; mais en dessous, ça reste chaud.

La stèle de papa a l’air presque neuve. Celle de maman, luisante. Elle comporte une inscription, quelques mots qu’elle avait transmis à son avocat il y a des années, les mêmes que j’ai prononcés à voix haute à son enterrement et que je ne lirai plus, maintenant que je me retrouve devant. Hors de question. Je me concentre sur papa, plutôt. J’hésite à prendre une bougie à la lumière vacillante sur une tombe voisine, celle d’une personne morte dans les années 1950 peut-être, à laquelle elle ne manquerait pas vraiment, bien calée six pieds sous terre.

Notre famille, cette si petite famille nucléaire, dont un des membres respire encore, offre un contraste frappant avec les Grimberg. Même si elles ne sont plus que trois, à présent, elles aussi. Mais ce n’est pas pareil. En effet, les Grimberg représentent la ville entière, des générations de travailleurs et une longue lignée de noblesse industrielle. Alors que nous, nous n’avons jamais été que trois : maman et papa en bas, et moi ici.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.