Tartes aux pommes et fin du monde by Siaudeau Guillaume

Auteur:Siaudeau, Guillaume [Siaudeau, Guillaume]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782362790744
Google: RQEpAAAAQBAJ
Éditeur: ALMA EDITEUR
Publié: 2013-08-21T22:00:00+00:00

L’été de mes 8 ans j’ai aidé notre voisine Martha à afficher des avis de recherche dans le quartier. Elle venait de perdre son chat et avait demandé à papa et maman si elle pouvait m’engager pour l’aider à poser des affiches. C’était une femme qui avait dans les 70 ans, l’âge où l’espoir et l’amour sont deux choses indissociables qu’une vieille femme fait tout pour protéger du temps qui passe.

Nous étions partis vers 8 heures, les rues étaient encore nues, et je sentais bien que Martha faisait tout pour dissimuler la tristesse qui lui faisait trembler un peu les mains. Nous avions commencé par les arbres. Il y avait des centaines d’autres endroits plus appropriés mais les gens s’évertuaient toujours à afficher leurs avis de recherche sur les troncs d’arbres. Comme si ces derniers avaient une prédisposition aux retrouvailles. Notre procédure était bien rodée. Martha posait le morceau de papier contre le tronc, et moi je plantais le clou. Ses bouts de papier disaient ceci : « J’est perdue mon chat. Il ai noir tigré blant. Il a des grande orailles et un collié rouje. Appellé moi. »

Au bas du papier il y avait son numéro de téléphone. Il n’y avait pas très longtemps que je savais lire et j’ai cru un moment que Martha avait écrit tous ses avis de recherche dans une langue codifiée qu’elle était seule à connaître.

Je ne sais pas combien de bouts de papiers nous avons collé comme ça. Pour le savoir il faudrait retourner dans le quartier, compter le nombre d’arbres, et y ajouter les boîtes aux lettres, les panneaux de signalisation ainsi que tous les poteaux verts balisant le long des trottoirs. Nous en avons épinglé une bonne tripotée, assez du moins pour laisser une chance à Martha de retrouver son animal. Elle ne s’était pas plainte de la matinée et ses mains tremblaient toujours comme deux moineaux collés l’un contre l’autre un jour de tempête. Nous avions fait des kilomètres à pied et elle avait bien soufflé un peu de temps à autre, mais jamais je ne l’avais vue rechigner ou grogner après quelque chose.

Elle m’avait dit qu’il fallait absolument qu’elle retrouve son chat, qu’il était à peu près tout ce qu’il lui restait depuis la disparition de son mari. Elle me faisait penser à la mère Michelle, et j’espérais simplement que Martha aurait plus de chance que dans la chanson.

Les semaines ont passé et Martha ne voyait pas revenir son chat. Tous les jours je l’observais attendre sur le perron de sa maison et lui faisais un petit geste de la main. Une bonne partie des morceaux de papier étaient décollés ou s’étaient fait élimer les coins par les intempéries. J’avais envie de dire à Martha que ce n’était pas grave, qu’elle trouverait un autre chat auquel elle finirait par s’attacher. Mais Martha voulait celui-ci et pas un autre. Aujourd’hui je comprenais Martha. Certaines choses étaient irremplaçables. De ces choses qui partaient très loin ou très longtemps. Et on se

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