souvenirs_enfance by ernest Renan

souvenirs_enfance by ernest Renan

Auteur:ernest Renan
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2012-03-07T05:00:00+00:00


- Allons à la chapelle mourir tous ensemble, s'écria l'excellent M. ***, prompt à s'enflammer,

- Je n'en vois pas la nécessité, répondit M. ***, plus calme, plus prémuni contre les excès de zèle ; et l'on continua de se promener en groupe sous les porches de la cour.

[122]

Dans les difficultés religieuses du temps, ces messieurs de Saint-Sulpice gardèrent la même attitude sage et neutre, ne montrant un peu de chaleur que quand l'autorité épiscopale était menacée. Ils reconnurent très vite le venin de M. de Lamennais et le repoussèrent. Le romantisme théologique de Lacordaire et de Montalembert les trouva aussi peu sympathiques. L'ignorance dogmatique et l'extrême faiblesse de cette école, en fait de raisonnement, les choquaient. Ils virent toujours le danger du journalisme catholique. L'ultramontanisme ne parut d'abord à ces maitres austères qu'une façon commode d'en appeler à une autorité éloignée, souvent mal informée, d'une autorité rapprochée et plus difficile à tromper. Les anciens qui avaient fait leurs études à la Sorbonne avant la Révolution tenaient hautement pour les quatre propositions de 1682. Bossuet était en tout leur oracle. Un des directeurs les plus respectés, M. Boyer, lors de son voyage à Rome, eut une discussion avec Grégoire XVI sur les propositions gallicanes. Il prétendait que le pape ne put rien répondre à ses arguments. Il diminuait, il est vrai, sa victoire en avouant que personne à Rome ne le prit au sérieux et qu'on rit beaucoup au Vatican de l’uomo antediluviano : c'était lui que l'entourage du pape appelait ainsi. On eût mieux fait de l'écouter. Vers 1840, tout cela changea. Les vieux d'avant la Révolution étaient morts ; les jeunes passèrent presque tous à la thèse de l'infaillibilité papale ; mais il resta encore une profonde différence entre ces ultramontains de la dernière heure et les hardis contempteurs de la scolastique et de l'Église gallicane sortis de l'école de Lamennais. Saint-Sulpice n'a jamais trouvé sûr de faire litière à ce point des règles établies.

On ne saurait nier qu'il ne se mêlât à tout cela une certaine antipathie contre le talent et quelque chose de la routine de scolastiques gênés dans leurs vieilles thèses par d'importuns novateurs. Mais il y avait aussi dans la règle suivie par ces prudents directeurs un tact pratique très sûr. Ils voyaient le danger d'être plus royalistes que le roi et savaient qu'on passe facilement d'un excès à l'autre. Des hommes moins détachés qu'eux de tout amour-propre [123] auraient triomphé le jour où le maître de ces brillants paradoxes, Lamennais, qui les avait presque argués d'hérésie et de froideur pour le Saint-Siège, devint lui-même hérétique et se mit à traiter l'Église de Rome de tombeau des âmes et de mère d'erreurs. Ce qui est vieux doit rester vieux ; comme tel, il est respectable ; rien de plus choquant que de voir l'homme d'un autre âge dissimuler ses allures et prendre les modes des jeunes gens.

C'est par ce franc aveu des choses que Saint-Sulpice présente en religion quelque chose de tout à fait honnête.



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