Race et histoire by Histoire

Race et histoire by Histoire

Auteur:Histoire [Histoire]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


9 LA COLLABORATION DES CULTURES

Il nous faut enfin envisager notre problème sous un dernier aspect. Un joueur comme celui dont il a été question aux paragraphes précédents qui ne parierait jamais que sur les séries les plus longues (de quelque façon qu’il conçoive ces séries) aurait toute chance de se ruiner. Il n’en serait pas de même d’une coalition de parieurs jouant les mêmes séries en valeur absolue, mais sur plusieurs roulettes et en s’accordant le privilège de mettre en commun les résultats favorables aux combinaisons de chacun. Car si, ayant tiré tout seul le 21 et le 22, j’ai besoin du 23 pour continuer ma série, il y a évidemment plus de chances pour qu’il sorte entre dix tables que sur une seule.

Or cette situation ressemble beaucoup à celle des cultures qui sont parvenues à réaliser les formes d’histoire les plus cumulatives. Ces formes extrêmes n’ont jamais été le fait de cultures isolées, mais bien de cultures combinant, volontairement ou involontairement, leurs jeux respectifs, et réalisant par des moyens variés (migrations, emprunts, échanges commerciaux, guerres) ces coalitions dont nous venons d’imaginer le modèle. Et c’est ici que nous touchons du doigt l’absurdité qu’il y a à déclarer une culture supérieure à une autre. Car, dans la mesure où elle serait seule, une culture ne pourrait jamais être « supérieure » ; comme le joueur isolé, elle ne réussirait jamais que des petites séries de quelques éléments, et la probabilité pour qu’une série longue « sorte » dans son histoire (sans être théoriquement exclue) serait si faible qu’il faudrait disposer d’un temps infiniment plus long que celui dans lequel s’inscrit le développement total de l’humanité pour espérer la voir se réaliser. Mais – nous l’avons dit plus haut – aucune culture n’est seule ; elle est toujours donnée en coalition avec d’autres cultures, et c’est cela qui lui permet d’édifier des séries cumulatives. La probabilité pour que, parmi ces séries, en apparaisse une longue dépend naturellement de l’étendue, de la durée et de la variabilité du régime de coalition.

De ces remarques découlent deux conséquences.

Au cours de cette étude, nous nous sommes demandé à plusieurs reprises comment il se faisait que l’humanité soit restée stationnaire pendant les neuf dixièmes de son histoire, et même davantage : les premières civilisations sont vieilles de deux cent mille à cinq cent mille années, les conditions de vie se transforment seulement au cours des derniers dix mille ans. Si notre analyse est exacte, ce n’est pas parce que l’homme paléolithique était moins intelligent, moins doué que son successeur néolithique, c’est tout simplement parce que, dans l’histoire humaine, une combinaison de degré n a mis un temps de durée t à sortir ; elle aurait pu se produire beaucoup plus tôt, ou beaucoup plus tard. Le fait n’a pas plus de signification que n’en a ce nombre de coups qu’un joueur doit attendre pour voir une combinaison donnée se produire : cette combinaison pourra se produire au premier coup, au millième, au millionième, ou jamais. Mais pendant tout ce temps l’humanité, comme le joueur, n’arrête pas de spéculer.



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