Raboliot by Maurice Genevoix

Raboliot by Maurice Genevoix

Auteur:Maurice Genevoix [Genevoix, Maurice]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature générale
Éditeur: Cercle du Bibliophile
Publié: 1970-01-25T05:00:00+00:00


Troisième partie

CHAPITRE PREMIER

Un homme qui fut bien étonné, le lendemain, ce fut le comte de Remilleret. Il était descendu de sa maison du Bois-Sabot vers les étangs de la Patte d’Oie, pour une promenade matinale : une habitude à laquelle il tenait, féru d’hygiène, soucieux de se tenir en forme, maintenant que la soixantaine approchait, avec ses crises de goutte et ses menaces d’artério-sclérose.

L’aube avait laissé aux branches, aux aiguilles des sapins, aux mailles des clôtures grillagées, de fines arabesques de givre. C’était au haut des arbres, là où s’affirment les ramilles, que c’était le plus joli. Le ciel, tout à l’heure plombé, semblait monter de minute en minute. Il y eut un instant où les cimes givrées des arbres se fondirent dans sa blancheur, et puis elles furent blanches de nouveau, et brillantes, à cause du bleu tout frais qui s’éployait là-haut.

M. de Remilleret allait bon pas, attentif à bien respirer, à baigner jusqu’au fond ses bronches d’un air salubre et vivifiant, de temps en temps fléchissant les genoux pour en éprouver la souplesse. Le souffle qu’il expirait s’en allait en buée légère : le froid accentuait, à ses joues, un lacis de veinules violettes.

Il ne pensait à rien, tout au plaisir de sa promenade. Un regain de jeune force le tonifiait de bonne humeur, un sentiment de vif bien-être qu’une phrase à haute voix formula : “Allons, je ne suis pas trop décati.”

Et le soleil sourdait de tout l’espace, un soleil neuf de nouvel an. Les étangs étaient bleus dans leur ceinture de roseaux jaunis. À chaque instant, une pendeloque de givre qui fondait se détachait avec un froissement soyeux : c’était partout un frémissement pressé, une alacrité des choses où déjà tressaillait le printemps.

À la Patte d’Oie, où trois allées s’écartent en éventail, M. de Remilleret prit au milieu celle qui monte vers Buzidan. Le soleil était derrière lui et son ombre allait devant, glissait doux sur les mottes de sable, sur les touffes de bruyère où la rosée scintillait à mille gouttes.

Il s’attarda, une minute, à la queue de l’étang de Bouchebrand. La nappe d’eau fuyait d’une coulée pleine, admirablement lisse et pure. L’eau noire, ce matin-là, était radieuse d’un grand reflet de ciel qui débordait sur les images des arbres, les dissolvait dans sa fraîcheur. À l’autre bout, sur un fond de prés vert, la masure de Volat se laissait entrevoir, blondie par la lumière et d’apparence presque aimable ; la ramure du vieux merisier reposait sur son toit comme une nuée.

Le comte allait poursuivre sa promenade, quand il aperçut devant lui, sorti du fourré broussailleux, un homme de petite taille, noir de moustaches et de prunelles. Il ne le reconnut pas sur-le-champ, tant la rencontre était pour lui inconcevable. Il y avait aussi cette barbe de quinze jours qui charbonnait le menton et les joues, ces feuilles mortes collées aux épaules, et cet aspect sauvage qui vous sautait aux yeux.

Mais l’homme retira sa casquette, et M. de Remilleret eut un haut-le-corps.

— Par exemple !



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