Pour les musulmans by Edwy Plenel

Pour les musulmans by Edwy Plenel

Auteur:Edwy Plenel [Plenel, Edwy]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: La Découverte
Publié: 2014-06-14T16:00:00+00:00


6.

C’est ici qu’intervient l’incessante querelle religieuse faite à nos compatriotes musulmans. On les voudrait musulmans transparents. Effacés, secrets, cachés. Assimilés, dit la vulgate. À la vérité, inexistants.

L’assimilation est une injonction terrifiante qui fut aussi celle de la colonisation, notamment française : n’accepter l’Autre qu’à la condition qu’il ne soit plus lui-même, ne le distinguer que s’il décide de nous ressembler, ne l’admettre que s’il renonce à tout ce qu’il fut. Rien à voir avec l’exigence d’intégration où s’exprime une quête d’unité dans la pluralité, celle d’une vie à construire et à inventer ensemble, en tissant des liens qui ne sont pas de perdition ou d’égarement. Celle, en somme, d’une vie en relation, selon la belle définition qu’en donnait le poète Édouard Glissant : « Tu échanges, changeant avec l’autre sans pour autant te perdre ni te dénaturer. »

L’impératif d’assimilation est une euphémisation de la disparition. Une façon de souhaiter que les musulmans de France, à quelque degré qu’ils le soient, ne le soient plus. Ne le disent ni ne le revendiquent, ne l’expriment ni ne l’assument. Et c’est ainsi que les apprentis sorciers qui, trop souvent, nous gouvernent enfantent des monstres. Car qui ne voit, dans cette accoutumance à l’intolérance, le cheminement d’un appel plus sourd à ce que, pis encore, les musulmans ne soient plus. À ce qu’ils nous débarrassent d’eux-mêmes ou à ce que nous nous en débarrassions. À ce que l’humanité diverse que recouvrent, dans le langage courant, les mots de musulman, d’arabe ou de maghrébin, soit désormais dehors, en dehors.

C’est pourquoi, dans cette entreprise de négation d’une minorité, de ses droits dans l’immédiat avant que ce ne soit éventuellement de son existence, la question régulièrement agitée à la manière d’un chiffon rouge est celle de la visibilité des musulmans dans l’espace public. Qu’il s’agisse des mosquées, des prières, des habits ou des aliments, ces polémiques récurrentes, faites d’exagérations médiatiques où s’épanouit un journalisme d’opinion plutôt que d’information, rendent la France malade d’elle-même. J’entends par là la France telle qu’elle est, telle qu’elle vit et travaille, telle qu’elle évolue et se transforme. Car elles lui enjoignent de refuser le pluralisme qui l’habite, de ne pas accepter sa propre diversité et, par conséquent, de ne pas assumer ses défis sociaux.

De fait, l’obsessionnelle question du foulard est un voile jeté sur nos sensibilités, générosités et curiosités. Brandir la visibilité de ce morceau de tissu comme la question décisive pour notre espace public, c’est nous inviter à ne plus voir le reste, tout ce que cette focalisation occulte et masque, et au premier chef la question sociale, celle des quartiers populaires. La haine de la religion qu’exprime envers l’islam et ses pratiquants un laïcisme intolérant, infidèle à la laïcité originelle, est l’expression d’un déni social : d’un rejet des dominés et des opprimés tels qu’ils sont.

De cet aveuglement témoigne le contresens habituellement commis par ceux qui, à gauche, confondent religion et intégrisme. Plus précisément, par ceux qui s’empressent de suspecter de fanatisme religieux les croyances minoritaires, nouvellement arrivées ou récemment



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