Physiologie du Bois de Boulogne by Édouard Gourdon

Physiologie du Bois de Boulogne by Édouard Gourdon

Auteur:Édouard Gourdon [Gourdon, Édouard ]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Géographie, tourisme
Éditeur: Ligaran
Publié: 2014-09-28T16:00:00+00:00


V

Le Grand Gala

Elle a cheveux d’ébène et sourire folâtre,

Si jolis !… qu’on verrait, s’ils n’en étaient jaloux,

Ses frères de là-haut tomber à deux genoux,

Et l’univers entier s’incliner idolâtre.

Comme on se damnerait pour un de ses regards !

Pour un demi-baiser sur ses lèvres si roses ;

Sur ses yeux, nids d’amour si pleins de douces choses,

Si bleus ! si grands ! si babillards !…

EDOUARD GOUIN.

La salle dans laquelle nous nous trouvions s’emplit peu à peu. Je revis quelques hommes que j’avais rencontrés dans le monde. Les femmes, car il y avait des femmes, m’étaient tout à fait inconnues. Tous ces gens se tutoyaient, s’accueillaient le chapeau sur l’oreille, avec sourire et force serrements de mains. Presque tous portaient moustaches, quelques-uns de longs cheveux, et enfin, sur la cravate blanche de trois ou quatre convives, se dessinaient d’énormes favoris blonds ou rouges, taillés en rond. Ces messieurs pressèrent affectueusement la main de lord Goodmanners. De jeunes hommes, en costume de cheval, vinrent complimenter, à voix basse, Arthur de Saint-Luc sur son prochain mariage avec mademoiselle Espedera. Bientôt les groupes se formèrent, les conversations s’établirent, le Havane brûla sur toutes les bouches et tous, hommes et femmes, se mirent à gesticuler et à lutter d’esprit en attendant le dîner que l’on préparait dans le salon voisin.

C’était une admirable cacophonie, une confusion bizarre d’habits, de couleurs, de figures et de paroles. Un petit monsieur parlait science sociale ; tout près de lui, une jeune et jolie blonde, bien connue dans certaines coulisses, sollicitait, avec les mines les plus agaçantes, les roucoulements les plus plaintifs, un feuilleton qu’on lui refusait, bien injustement, disait-elle. Ici, l’on parlait cheval et courses ; plus loin, politique, femmes, théâtres et chiens ; partout on criait et on se démenait avec chaleur.

– En vérité, monsieur, disait une petite voix flûtée, vous n’êtes gentil qu’après le champagne.

– Eh bien ! je serai gentil ce soir, répondait-on.

On était un vieux monsieur blême et sec.

– Ces analogies sont admirables, monsieur !

– Tu fumes trop, mon ami.

– Les rentes ont baissé de deux centimes et demi.

– Ouvrez les fenêtres !

– Ah ! bonjour Charles !

– Où est-il ?

– Il est à son château.

– Dieu, quelle fumée !

Monsieur Papillon entra.

– Monsieur Papillon, monsieur Papillon, dit-on de toute part.

Jacques Bonnemain salua tout le monde, regarda bénignement sa fleur et sa croix, puis il s’avança vers Goodmanners.

– Quoi de neuf ? demanda-t-il encore. C’était sa formule invariable.

– Ce monsieur m’amuse beaucoup, dit lord Goodmanners en poussant un bâillement prolongé, quand Bonnemain se fut éloigné.

Six heures sonnaient lorsque le galop d’un cheval se fit entendre ; on monta les escaliers précipitamment, et un monsieur que je ne connaissais pas parut sur le seuil de la porte en saluant avec politesse.

– Est-ce notre amphytrion ? demanda Arthur.

– Oui, dit le petit Anglais, c’est monsieur Dumont.

Monsieur Dumont voyait ses convives pour la première fois ; cependant, il en aborda quelques-uns, et son petit œil bleuâtre parut interroger les autres avec défiance. Les femmes ne reçurent de lui qu’un sourire intraduisible.

– Eh bien ! notre dîner ? demanda-t-il à Lord Goodmanners.



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