Petit éloge des faits divers by Didier Daeninckx

Petit éloge des faits divers by Didier Daeninckx

Auteur:Didier Daeninckx [Daeninckx, Didier]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier, Littérature française, Chroniques
ISBN: 9782070356300
Éditeur: Gallimard - Série Noire
Publié: 2008-01-14T23:00:00+00:00


C’était une vraie fleur d’amour,

Éclose un jour dans le faubourg…

Le lendemain, de retour de Billancourt, je m’étais glissé dans la peau d’un détrousseur de banques pour l’épisode final d’un feuilleton inspiré des exploits de la bande à Bonnot. Recouvert d’un lourd manteau de fourrure, les yeux dissimulés derrière de grosses lunettes de mécanicien, je brandissais un revolver rutilant devant le visage d’une caissière épouvantée. Le soir, au milieu de trois mille spectateurs, je découvrais l’immense scène de L’Empire où l’on avait reconstitué une véritable corrida, avec simulacre très réussi de mise à mort, avant de voir lever les filets d’un turbot par le maître d’hôtel de La Barrière des Ternes. J’y épuisai mes ultimes ressources. Au cœur de la nuit, alors que Natalia dormait paisiblement à mes côtés, j’imaginai tous les moyens de prolonger cette vie de rêve, et me revint soudain en mémoire une conversation, au hasard d’un bar, avec un contremaître de la manufacture montreuilloise du Bébé Jumeau. Le nez dans le pastis, il me racontait que la chevelure recouvrant le crâne des poupées de porcelaine étaient en thibet, un poil de chèvre importé des hauts plateaux himalayens par un négociant chinois.

— Je travaille à la réception. On reçoit les bottillons que les femmes enroulent mèche à mèche sur des bigoudis. Elles les font bouillir puis sécher à la rampe à gaz. Ils en sortent tout frisottés pour être piqués sur les calottes, quinze grammes par postiche, le chien par-devant, les nattes à l’arrière… Le Chinois n’a pas confiance dans le papier… Il passe se faire payer chaque vendredi matin, en liquide, ses livraisons hebdomadaires de cinq cents kilos…

J’ai repoussé les draps, me suis habillé en silence. J’ai traversé Paris à bord de la première rame au milieu des prolétaires mal remis des fatigues de la veille, et auxquels je m’étais promis de ne pas ressembler. Le gardien des studios n’a pas tiqué quand j’ai poussé la porte vitrée ; je faisais déjà partie des meubles. Je me suis directement dirigé vers le magasin des accessoires où je me suis emparé du revolver factice avec lequel je ramassais la mise. Je l’ai glissé sous ma ceinture, bien caché par le pan de ma veste puis je suis allé me poster près de l’usine de jouets, rue de Paris. Le Chinois est arrivé vers dix heures, en taxi. Il a franchi la grille à pied, traversé la cour plantée de massifs de fleurs pour s’engouffrer dans le bâtiment de droite qui accueille les bureaux de la direction. Je me suis approché de la voiture, l’air dégagé. Le chauffeur lisait l’Excelsior en attendant le retour de son client. Il a voulu me dissuader de grimper à l’arrière :

— Je suis en course… C’est occupé…

Je me suis laissé tomber sur la banquette, j’ai brandi mon arme sous son nez.

— Tu te tiens tranquille. Reprends la lecture de ton feuilleton. Au premier geste suspect, je te tire comme un lapin ! Dès que ton client monte, tu démarres sur les chapeaux de



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