Personne n’est obligé de me croire by Juan Pablo Villalobos

Personne n’est obligé de me croire by Juan Pablo Villalobos

Auteur:Juan Pablo Villalobos [Villalobos, Juan Pablo]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782283032138
Google: rtpiDwAAQBAJ
Éditeur: Buchet/Chastel
Publié: 2018-09-05T22:00:00+00:00


Riquer me passa un coup de fil et dit : Viens demain à la première heure. On se donna rendez-vous à huit heures à son bureau du Paseo de San Juan. Quand j’arrivai, j’étais seul : ce n’était pas l’adresse des mossos d’esquadra, il m’expliqua que c’était le bureau où il expédiait (sic) les affaires privées. Je serrai sa main râpeuse et aspirai les relents d’alcool qui émanaient de tous les pores de sa peau. De deux choses l’une : ou bien il avait pris un petit déjeuner arrosé de gin ou bien il ne s’était pas couché et il venait de prendre le dernier verre de sa journée. De sa journée d’hier. Il n’avait pas beaucoup de cheveux, vraiment pas beaucoup, coupés ras à la tondeuse, et les dents jaunes de nicotine. La cinquantaine bien sonnée, plus près de soixante que de cinquante. Costume bleu marine sans cravate. Chemise mal repassée. Alors, il dit, il faut se grouiller, et il me demande de le suivre.

Le bureau se compose de deux pièces et d’une réception. Les meubles vieux et massifs, du vrai bois, d’une autre époque, d’une époque où il y avait des menuisiers et des arbres. Une fine couche de poussière, le calendrier des Jeux olympiques de 1992, des dossiers remplis de paperasse sur divers tons de jaune, des rideaux effilochés en bas, tout suggère une utilisation modérée, ou clandestine.

La secrétaire arrive à neuf heures, il dit, et il m’indique de prendre place devant l’écran d’un ordinateur. Le siège en cuir de vrai animal grince quand je m’assieds. Le dossier des antisystème, il dit, plaçant le premier portrait sur l’écran. Comment savez-vous que c’était un antisystème ? Parce que c’est toi qui l’as dit. Tu n’as pas dit que c’était un squatter ? Je ne sais pas, j’en avais l’impression. J’en avais l’impression, répète-t-il, voilà pourquoi on est ici, pour en être sûrs. Appuie sur le bouton de la souris pour passer à la photographie suivante. J’obéis. Je regarde la première. Plusieurs secondes. Je passe à la deuxième. Je l’observe. Dépêche-toi, dit Riquer. Il y a plus de huit cents fiches, rien que pour les Italiens. Si tu ne le trouves pas, il va falloir regarder les autres. J’accélère le rythme des clics sur la souris, un toutes les cinq secondes, au maximum toutes les dix.

Riquer rapporte un tabouret pour s’asseoir à côté de moi. Les Italiens, c’est la chierie, ils croient que Barcelone est un égout où ils peuvent balancer toute leur merde, surtout depuis que Berlusconi les a remis d’aplomb. Regarde, que de la racaille. Il ouvre un tiroir et en sort un cigare. Je l’entends déchirer l’emballage, le couper, l’allumer et l’aspirer avec délice pendant que je continue d’appuyer sur le bouton gauche de la souris.

Il y a longtemps que tu travailles pour l’Avocat ? J’hésite un instant, je me demande si je dois répondre. Allons, nous sommes entre nous, fais-moi le putain d’honneur d’avoir pour moi la gentillesse que j’ai pour toi. J’hésite un instant de plus.



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