Célibataire, heureuse et prête à tout by Katherine Heiny

Auteur:Katherine Heiny [Heiny, Katherine]
La langue: fra
Format: epub
Tags: A_Poster, Littérature Américaine
Éditeur: JC Lattès
Publié: 2019-09-17T22:00:00+00:00

Chutney aux airelles

Josie accepte de rejoindre Billy au café qui se trouve à mi-chemin de leurs maisons respectives, à environ une heure de voiture. Encore vêtue d’un jean et d’une chemise en flanelle, elle sort en vitesse, en s’arrêtant juste assez longtemps pour mettre du mascara. Il y a un an, pour rejoindre Billy au même café, elle passait un chemisier blanc, une jupe rouge, des boots noires et un minuscule balconnet en dentelle qui contenait à peine ses seins. Il y a un an, ses mains étaient si froides qu’elle avait du mal à agripper le volant. Il y a un an… D’accord, Josie est écrivain, mais même elle, elle commence à en avoir marre de ce ressort littéraire. Bref, il y a un an, tout était différent. Josie s’apprêtait à rencontrer Billy pour la première fois. Elle était tombée amoureuse en ligne de cet inconnu qui vivait à deux heures de chez elle et dont elle n’aurait jamais soupçonné l’existence sans Facebook. Il n’était entré dans sa vie que parce qu’elle avait « liké » un commentaire qu’il avait écrit sur la page d’une autre personne, qu’il avait « liké » son « like », et que… pitié, ne demandez pas son avis à Josie sur Facebook.

Lorsque Josie franchit la porte du café et aperçoit Billy assis dans le box du fond, elle ressent la même chose que lorsqu’elle revoit ses neveux et nièces une fois par an durant les vacances d’été : le choc, la fascination et une espèce d’incrédulité. Alors c’est vrai, ils existent réellement ? Pour Billy, c’est pareil.

C’est un homme musclé, compact, avec des cheveux très courts prématurément argentés, des yeux étonnamment bleus et des dents aussi blanches et carrées que des chewing-gums. S’il fallait distribuer le rôle d’un entrepreneur en bâtiment dans un film, il aurait cette tête-là ; s’il était vraiment entrepreneur en bâtiment, on se dirait simplement qu’il a la tête de l’emploi. Mais en fait, il est commercial dans une boîte de logiciels.

Il porte toujours des chemises bleues ou violettes avec des cols blancs (sûrement parce qu’il sait à quel point ces couleurs mettent en valeur ses yeux et ses cheveux). Celle d’aujourd’hui est d’un bleu cobalt si vif qu’il semble déteindre sur l’air qui l’environne. D’ailleurs, Billy tout entier semble déteindre sur l’air qui l’environne, comme s’il était plus grand que nature.

Évidemment, Josie a un mari, Nathaniel, un bel homme au visage allongé, aux traits burinés, exceptionnellement grand et baraqué. Une sorte de monstre de Frankenstein, en plus séduisant.

Hier soir, Nathaniel lisait le courrier dans la cuisine lorsque Josie est sortie de son bureau. Elle l’a pris par la taille et s’est blottie contre lui comme contre un grand arbre. Il l’a embrassée sur le sommet du crâne et lui a lu la lettre qu’il tenait à la main, qui venait du lycée de leur fils Mickey :

— « Votre fils a été élu Élève du Mois pour avoir fait preuve de respect, d’intégrité, de persévérance et d’excellence. »

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