Parfois le silence est une prière by Billy O'Callaghan

Parfois le silence est une prière by Billy O'Callaghan

Auteur:Billy O'Callaghan [O'Callaghan, Billy]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman historique, Irlande, Littérature irlandaise
Éditeur: Christian Bourgois éditeur
Publié: 2023-03-31T12:12:06+00:00


Dans mon enfance, ma mère me disait souvent que nous étions sur Clear Island depuis cent générations, que ce soit par une branche ou une autre, et que le jour où le dernier d’entre nous quitterait l’île, celle-ci s’effondrerait de douleur au fond de l’océan. À seize ans, assise à la proue du bateau des frères Sullivan, désirant plus que tout me retourner une dernière fois vers l’île, ces mots me faisaient toujours aussi peur. Pendant toute la traversée, la voix de ma mère a résonné fort en moi, tellement ces paroles semblaient vraies, et j’étais sûre que si d’aventure je tournais la tête, je verrais les falaises s’écrouler sur elles-mêmes, leurs couvertures d’ajoncs et de bruyère semant les eaux gris pierre de nuances de violet, de rose et d’or. Pis encore : mes morts seraient éparpillés, à me regarder depuis la côte, frêles et oubliés, sachant que je ne reviendrais jamais, que c’était la fin. Sur Clear Island, je connaissais les visages présents à chaque porte, et le nom des familles qui occupaient chaque emplacement au cimetière, je savais les ondulations des champs, où poussaient les meilleures baies, où nichaient les oiseaux, et jamais je n’avais passé une nuit sans le soupir des vagues qui déferlaient sur le rivage.

À l’époque de ma naissance, les pires moments de la famine étaient déjà passés, même si rares étaient ceux qui le savaient. Le mildiou avait causé des ravages deux ou trois ans plus tôt, alors ceux qui avaient encore des forces et ceux qui avaient perdu l’essentiel étaient partis et, parmi ceux qui étaient restés, beaucoup trop avaient fini par pousser leur dernier soupir dans les champs, dans un fossé en bord de route, sur l’estran sablonneux où ils avaient déjà récolté toutes les algues et les animaux crevés.

« Ce n’est que la mort. » Voilà la phrase que répétait ma mère. C’était la fin des années 1860, j’étais désormais une jeune fille et elle s’acheminait vers la fin. Même si nous étions un peu moins mal loties, les choses n’avaient guère changé. Pendant presque toute mon enfance, j’ai rarement mangé à ma faim. C’était pareil pour tout le monde, pour tous ceux que je connaissais. Des pommes de terre, puisque les tubercules avaient cessé de pourrir et de se transformer en pus noir sous la terre, du poisson s’il y en avait, harengs ou maquereaux suivant l’époque de l’année, quand un des hommes après un jour et une nuit en mer rentrait avec suffisamment de prises pour pouvoir partager un peu. Ma mère faisait de la soupe avec les têtes et les arêtes, et puis avec des algues, tout ce qu’on pouvait attraper sur les hauts-fonds, et je passais deux heures chaque matin dans les rochers, à ramasser des moules, des crabes et des bigorneaux, sans tenir compte du prêtre – un homme austère de Baltimore au visage tout en longueur, aux yeux verts à demi-cachés qui cherchaient toujours quelque chose par-dessus l’épaule des gens auxquels il s’adressait – qui



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