Nunatak by Joëlle Wintrebert

Auteur:Joëlle Wintrebert [Wintrebert Joëlle]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse SF
Publié: 2016-09-06T15:26:22+00:00

— Tu verras, avait dit Sören. La poterne est presque toujours ouverte pour permettre la circulation de l’air froid et son renouvellement. Zoltan s’est rendu compte que l’air conditionné ne convenait pas à ses bêtes. Il évite donc au maximum de s’en servir. Les indigènes qui veillent sur les louverts sont censés garder l’issue contre d’hypothétiques envahisseurs venus de l’extérieur. En tout cas, dans la journée, ils laissent les gladiateurs aller et venir à leur guise. Ils se conduisent comme si nous n’existions pas parce qu’ils nous méprisent d’être des prisonniers.

De l’autre côté de la poterne, à l’emplacement que Sören lui avait indiqué, Guill trouva le garage où étaient entreposés les traîneaux, une pièce immense et encombrée de caisses. Dans un recoin sombre, le long du mur du fond, il découvrit le traîneau caché là par Sören. Il ne s’attarda pas à en détailler l’équipement. Pas plus que la fille, il ne se sentait prêt à jouer sa vie à pile ou face. Archias ne pouvait se permettre la fuite d’un prisonnier. En été, il ne devait pas être tout à fait impossible de parvenir à Nunatak. Un attelage de treize louverts, prétendait Sören, était capable par temps calme de couvrir soixante-dix à cent kilomètres par jour. Bien sûr, le fugitif arrivé à bon port devrait affronter une nouvelle difficulté : prévenir la Fédération Terrienne sans donner l’éveil au gouverneur de Thulé. Mais des cargos commerciaux atterrissaient à Nunatak. Intercepter un membre du personnel navigant lors d’une de ses visites à la ville ne pouvait pas se révéler plus difficile que la traversée d’un désert de glaces. Archias pensait-il que des enfants n’auraient pas le cran de tenter l’aventure ? Était-il joueur au point de courir ce risque ? Cela semblait peu probable. Pour laisser ses gladiateurs libres d’aller et de venir, il fallait que sa confiance dans l’efficacité des tox fût absolue.

Guill frémit. Il croyait en cette efficacité. Si l’entrée dans la nuit polaire n’avait pas été aussi proche, peut-être aurait-il caché l’existence des traîneaux à son jumeau, de peur que celui-ci ne décide de partir sans délai. Désormais, cette évasion devrait attendre, sinon l’été, du moins le retour du jour, ce qui laissait à Guill cinq à six mois de grâce. Il se demanda soudain s’il devait s’en féliciter. Comment allait-il puiser en lui le courage de retourner dans l’arène ? Au souvenir du sang s’épanouissant comme une huile malsaine sur la tunique de Meiji, il fut pris de nausée. Un liquide âcre brûla son arrière-gorge et il réalisa que s’il devait tuer un gladiateur pour survivre, il en serait incapable.

Comme un somnambule, il emprunta l’allée centrale de la ménagerie, insensible à l’odeur aigre des litières empuanties. En le voyant passer, les fauves ébranlaient les barreaux de leurs cages. Leurs clameurs déchaînées ne lui arrachèrent pas même un froncement de sourcils.

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