Nouvelles by Jean-Pierre Andrevon

Nouvelles by Jean-Pierre Andrevon

Auteur:Jean-Pierre Andrevon [Andrevon, Jean-Pierre]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2011-02-17T23:00:00+00:00


Planification

La voiture du Service International de Planification me déposa devant la porte principale du Camp VII à midi quarante-six, heure ostafricaine. Les baraques du Camp me semblèrent à première vue propres et coquettes, plutôt spacieuses, mieux en somme que ce que je m’étais attendu à trouver ; mais sans doute avais-je été défavorablement influencé par le panache de fumée noire, vomi par la cheminée des crématoires, que j’avais aperçue du haut de la colline un bon quart d’heure avant d’arriver, et qui se voyait, disait-on, à plus de quarante kilomètres à la ronde.

Le directeur du Camp m’aborda avec un sourire satisfait ; il devait par la suite ne se montrer avare ni d’explications ni de visites : le brassard à étoile verte du Service International de Planification, que je portais aux bras droit, était probablement pour quelque chose dans cette excessive amabilité, mais il est juste aussi de dire que ce personnage prenait un plaisir indéniable à faire état de la bonne marche du Camp qui lui avait été confié. C’était à la fois un fonctionnaire scrupuleux et un homme conscient de son devoir. Je ne sus s’il fallait l’en louer ou s’en effrayer.

Les coupables de crime contre la Planification sont conduites ici vers le cinquième ou le sixième mois, me dit-il – c’est-à-dire lorsqu’il leur devient difficile de cacher leur faute et qu’elles sont découvertes par un Contrôle Itinérant ou dénoncées par quelqu’un de leurs proches. (Oui, la délation a une part importante dans le succès de la Police de Planification.) Elles ne reçoivent ni brimade ni endoctrinement d’aucune sorte, poursuivit cet homme aimable et rigide. Jusqu’au jour de l’accouchement, elles mènent une existence… heu… normale dans le compartiment du Camp qui leur est imparti suivant leur spécialité. Dès qu’elles sont rétablies de leur délivrance… mais venez constater par vous-même, cher monsieur.

Mon temps est très limité, cher directeur ; si vous voulez bien vous contenter de me décrire le processus ?

Mais certainement ; quoique… Eh bien voilà : les coupables doivent porter elles-mêmes leur nouveau-né au crématoire. Elles doivent elles-mêmes ouvrir la porte des fours et y jeter leur progéniture. Et elles sont forcées d’observer jusqu’au bout la crémation, par un hublot spécialement aménagé pour la circonstance. Ensuite, cher monsieur, vous pouvez me croire, elles n’essayent plus JAMAIS d’avoir un enfant…

Après avoir pris congé du directeur du Camp, je me surpris à mettre en doute le bien-fondé des méthodes de Planification en Ostafrique. N’était-ce pas inutilement cruel ? Mais que dire alors de l’Eurasie, où quatre-vingt-dix-huit mâles sur cent sont tout bonnement châtrés comme de vulgaires animaux domestiques ? J’enviai un court moment les habitants de Nordamérique et de Suédavia qui sombraient d’eux-mêmes dans la stérilité, puis je me livrai une fois de plus à de profondes réflexions sur les problèmes que pose un monde surpeuplé.

Confortablement installé dans la voiture du Service Internationnal de Planification, je quittai le Camp VII ; il était dix-huit heures vingt, heure ostafricaine.



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