Nexus de feu by Alain Le Bussy

Nexus de feu by Alain Le Bussy

Auteur:Alain Le Bussy [Bussy, Alain Le]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 226506467X
Éditeur: FNSF 41 METAL
Publié: 1998-05-04T22:00:00+00:00


CHAPITRE XII

J’avais envie de la rencontrer. Non, peut-être pas vraiment de la rencontrer face à face, mais au moins de la voir. Je savais à quoi elle ressemblait intérieurement, ce qui ne m’était jamais arrivé avec personne. Ce qui n’arrivait à personne. Je connaissais plus d’elle que de tous ceux que j’avais jamais côtoyés, mais j’ignorais à quoi ressemblait son visage. J’en avais une vague idée, pour avoir perçu quelques images d’elle se reflétant dans un miroir, mais je ne savais pas si c’étaient des souvenirs anciens ou si c’était récent. Rien ne permettait de fixer une date précise à ce que j’avais lu en elle. Sauf l’image de moi avec le Barcarès en toile de fond. Ça, c’était un événement bien précis, le seul qui nous était commun.

À part, peut-être, certains rêves anciens que nous avions peut-être partagés, car j’avais l’impression de la connaître déjà lorsque nos chemins s’étaient un instant confondus en quittant le Barcarès. Tout en étant certain que nous ne nous étions jamais rencontrés avant ce jour-là.

J’avais eu une étrange impression en traversant la petite foule formée par les parents angoissés.

Je n’ai jamais aimé les foules, mais j’en avais horreur depuis la veille, depuis que j’avais compris que j’étais la cause des massacres. J’avais vu les gens s’entre-tuer autour de moi, j’avais même cru à deux ou trois reprises que je serais la prochaine victime. J’avais voulu fuir, mais j’avais des jambes de plomb, des pieds englués dans le bitume tiède ou le sable mou. J’en étais venu à attendre mon tour avec passivité, certain que je ne pourrais leur échapper, quand une autre certitude était venue remplacer celle-là : je ne risquais rien, parce que nul n’avait conscience de ma présence, et, pire encore, parce que j’étais indispensable à la poursuite du carnage.

Je suis monté dans un immeuble, j’ai traversé un appartement aux portes fracassées et je me suis penché sur le balcon. Ce n’était pas pour voir ce qui se passait en bas. Juste pour mesurer la hauteur. Si je sautais de ce balcon, je voulais être certain de me fracasser le crâne en touchant le sol.

Je n’ai pas pu sauter. Quelqu’un… Quelque chose – l’ordre était à la fois informulé et très clair – m’a interdit de me suicider, parce qu’il/elle/ça avait encore besoin de moi.

Je suis resté sur la terrasse. Je crois que j’ai dormi quelques heures. Je suis descendu à l’aube. Les équipes de secours ne me voyaient pas plus que les forcenés qui s’étripaient la veille au soir. Je n’étais pas convaincu de cette sorte d’immunité, mais j’ai fini par décider de courir le risque d’être repéré et je me suis dirigé vers la sortie du village, avec la vague idée de trouver un bus ou de faire du stop.

Personne ne m’a interrogé et j’ai pu quitter les lieux sans le moindre problème. Et pourtant quelqu’un m’avait vu, quelqu’un me suivait du regard. J’ai senti ses yeux qui se vrillaient dans mon dos. J’ai cru que j’avais perdu le pouvoir de me rendre invisible et que la foule allait déferler sur moi.



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