Mythologiques 3 : L'origine des manières de table by Levi-Strauss Claude

Mythologiques 3 : L'origine des manières de table by Levi-Strauss Claude

Auteur:Levi-Strauss, Claude [Levi-Strauss, Claude]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Anthropologie
Amazon: B00P4HN6CI
Éditeur: Plon
Publié: 2014-11-05T23:00:00+00:00


Fig. 30. — Le sac à eau. (D'après G. L. Wilson, fig. 1, b et c.)

Comme nous n'avons jamais vu d'estomac de bison, nous nous garderons d'affirmer que cette description s'applique exactement à leur panse. Mais les versions hidatsa du mythe ne spécifient pas l'animal dont proviennent les tripes, et il ne semble pas, au moins sous ce rapport, qu'il y ait des différences majeures entre les estomacs des bovidés et ceux des cervidés. Nous retiendrons seulement qu'après un demi-siècle, la mémoire d'un informateur préserve le souvenir d'une double opposition à laquelle sa société reconnaissait sans doute de l'importance : la partie velue de la panse est mince, mais la partie épaisse est lisse. Il se pourrait donc que, dans le mythe aussi, l'opposition entre épais et mince en recouvrît une autre, entre lisse et velu.

Or, cette seconde opposition tient une place considérable dans les rites de tribus qui, comme les Hidatsa et leurs voisins, portent des peaux de bison en guise de manteaux. Ces fourrures sont lisses d'un côté, velues de l'autre. De plus, la face tannée par l’industrie des femmes montre souvent des peintures et des broderies qui accentuent son caractère culturel, tandis que le manteau porté poils dehors, more animalium, place l'homme du côté de la nature.

Que les Indiens des Plaines conçoivent l'opposition dans ces termes ressort des circonstances où, sans qu'interviennent des variations de climat, ils prescrivent de porter les fourrures poils dessus ou poils dessous. Chez les Mandan et les Hidatsa, le prêtre qui présidait aux tortures et aux sacrifices devait porter son manteau poils dehors (Beckwith 1, p. 40), comme les danseurs de la grande cérémonie annuelle /okipa/ qui personnifiaient les bisons (Bowers 1, p. 134 ; 2, p. 206, 444-445). Lors des rites de transfert, les officiantes de la confrérie féminine de la « bisonne blanche » portent, selon leur fonction, leur manteau poils dessus ou poils dessous (Bowers 1, p. 325). On citerait sans peine d'autres exemples (voir la tenue du mystérieux inconnu dans M368, M503).

Il se pourrait donc que l'erreur de la grenouille, en choisissant le morceau épais, eût consisté — puisqu'il est aussi lisse — à prendre le parti de la culture, alors que le choix avisé, quand on est l'hôte du soleil, doit se porter vers la nature. Telle est, en effet, comme nous essaierons de le montrer, la leçon qui se dégage des mythes hidatsa et mandan. Pour en finir avec les tripes, notons seulement un exemple sud-américain où la même opposition réapparaît dans un contexte analogue à celui des épouses des astres, sauf que l'épouse du soleil dont il s'agit ici (M456 ; Preuss 1, p. 304-314) est elle aussi céleste, et fait tuer son mari par un être chthonien devenu son amant. Les fils du soleil mènent donc une vie terrestre, jusqu'à ce qu'un pic, auquel ils ont sauvé la vie, révèle leur origine véritable. Par rapport à M429-430, l'inversion est d'autant plus remarquable que le pic, oiseau du monde moyen, à mi-chemin entre le haut



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