Marine Le Pen prise aux mots by Alduy Cécile & Wahnich Stéphane

Marine Le Pen prise aux mots by Alduy Cécile & Wahnich Stéphane

Auteur:Alduy,Cécile & Wahnich,Stéphane [Alduy,Cécile & Wahnich,Stéphane]
La langue: fra
Format: epub
Tags: essai politique
ISBN: 9782021172102
Google: S-MhrgEACAAJ
Éditeur: Seuil
Publié: 2015-01-14T23:00:00+00:00


MYTHE ET HISTOIRE

Après une dizaine d’années passées à suivre le Front national pour le journal Le Monde, Edwy Plenel et Alain Rollat diagnostiquaient en 1992 les raisons de sa progression : « L’ultime ressort de son ascension est […] la déstabilisation du rapport de la France à son imaginaire, à sa mémoire collective […]. Pour gouverner et mobiliser, pour obtenir l’adhésion autour de son action, il ne suffit pas de proclamer l’avenir, la modernisation, l’efficacité, l’immédiateté, il faut aussi incarner un passé dans le présent, mettre en scène un imaginaire collectif surgi de la longue durée131. » Aujourd’hui comme hier, la transmission et la réécriture de l’Histoire permettent au Front national de captiver les imaginations et de capter les votes. Mais il faut aller plus loin et décrypter comment ce passé transformé en mythe est aussi la négation de l’Histoire comme processus de transformation du réel. Comment un discours qui exploite en permanence l’histoire de France pour nourrir son argumentaire vide en définitive le passé de son sens et de sa nature de passé, et construit à la place une vision essentialisée et figée de la France qui exclut au lieu de rassembler dans une mémoire réellement collective l’ensemble des Français d’aujourd’hui.

Force est de constater qu’ici aussi Marine Le Pen s’inscrit dans la droite ligne de son père : le timide rééquilibrage de ses allusions historiques vers des figures de la modernité et de la République132 ne correspond qu’à des modifications cosmétiques ou stratégiques. Les ressorts profonds et l’idéologie que le discours sur et par l’Histoire révèle sont identiques d’une génération Le Pen à l’autre. On distinguera ici la fonction idéologique de l’Histoire comme thème et les conséquences critiques de son traitement sur le mode mythologique. D’un côté, nous verrons que le passé est le fondement ontologique et axiologique explicite du discours frontiste ; de l’autre, que la manière dont il est aussitôt dissous en mythe lui renie toute historicité. Le passé est ainsi valorisé comme thème et détruit comme réalité contingente.



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