Ma sale peau blanche by Frédéric Dard

Ma sale peau blanche by Frédéric Dard

Auteur:Frédéric Dard [Dard, Frédéric]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier thriller
Éditeur: 12-21
Publié: 2013-02-14T05:00:00+00:00


*

Comme nous nous approchions des bâtiments déserts, un bruit nous a fait sursauter. Nous avons regardé derrière nous. Trois moutons blancs arrivaient au petit trot pour nous voir.

Ils se sont arrêtés à quelques mètres de nous et l’un d’eux a émis un bêlement triste et ridicule.

– Qu’est-ce que ces moutons font ici, Cynthia ?

Elle a haussé les épaules.

– Ils devaient être cachés quelque part quand on a emmené les troupeaux.

– Et ils sont perdus ?

– Jusqu’au jour où l’on viendra déménager ce qui reste de mobilier… Ils étaient sans doute du côté de la montagne, car on ne les laisse pas en compagnie des vaches.

– Pourquoi ?

– C’est comme ça : les vaches n’aiment pas l’herbe où paissent les moutons et elles ne boivent jamais à la même mare qu’eux.

J’ai voulu m’approcher des trois bêtes, mais depuis qu’elles ne voyaient plus d’hommes elles étaient devenues presque sauvages et elles se sont enfuies en lançant leurs sanglots caverneux.

Nous sommes entrés dans la maison.

C’était une grande bâtisse de bois, toute blanche, flanquée d’une étroite chapelle. Un long balcon en équerre, grillagé, bordait la partie qui dominait la vallée. Sous cette véranda interminable, pareille au péristyle d’un cloître, subsistaient des fauteuils à bascule démantibulés et des petites tables de rotin. Les toiles d’araignées mettaient des festons de sorcière au plafond.

– Venez, m’a dit Cynthia.

Elle connaissait bien les lieux. Sa nature sauvage se complaisait dans ce coin perdu que les eaux bientôt engloutiraient.

Nous avons traversé la véranda. Les lames du plancher fléchissaient sous nos pieds. Un dédale de pièces à peu près vides s’offrait, dont toutes les portes battaient au gré des courants d’air. On avait déménagé le plus gros du mobilier, ne laissant là que des lits de fer, des sièges bancals et les installations sanitaires.

Cynthia m’a guidé jusqu’à la chapelle. Je n’en avais jamais vu d’aussi intime. C’était une grande pièce au plafond formé de lattes vernies. L’autel était très simple et on n’avait pas touché à ses nappes ni à ses chandeliers dorés.

Dans le fond de la chapelle, il y avait un bénitier de bronze ouvragé, sec depuis longtemps, et une corde épaisse – pour actionner la cloche du campanile – tombait, rectiligne, du plafond.

– Cette chapelle a été désaffectée ? ai-je demandé.

– Oui, mais j’ai l’impression que Dieu s’y trouve toujours, et qu’il y est mieux encore que dans une cathédrale à touristes.

Elle a cherché ma main pendante, l’a serrée de toutes ses forces, cependant que de l’autre elle se signait.

– « Jaïle », a-t-elle balbutié, sans me regarder, quand vas-tu m’épouser ?

J’ai failli sursauter. Mon cœur s’est affolé et pendant un bref instant je n’ai pas pu respirer.

– Mais… quand tu voudras, Cynthia.

– Alors ce sera très vite, tu veux bien ?

– Bien sûr. Seulement, il y a ton père…

– J’y ai pensé… J’ai pensé à tout, tu sais…

Un semblant de fraîcheur régnait dans la chapelle. Le soleil passant par les vitraux de couleur diluait l’arc-en-ciel sur le plancher.

D’une voix encore plus faible que je ne pensais, j’ai soupiré

– Ah oui ?

– Oui.



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