L'Islam et la mer by XAVIER DE PLANHOL

L'Islam et la mer by XAVIER DE PLANHOL

Auteur:XAVIER DE PLANHOL
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Perrin


et ceux de l'industrie européenne : étoffes surtout venant d'Europe, tapis, indiennes et bocassins de l'artisanat anatolien (de Tokat notamment), fusils, savon, mais aussi des matières premières (le lin pour les toiles de Rize, qui venait d'Égypte, fer et acier), et des denrées alimentaires méridionales en provenance de régions méditerranéennes ou exotiques (riz, figues et raisins secs, jus de citron, olives, vinaigre, tabac, sucre, épices). À ces courants commerciaux s'ajoutaient des migrations humaines. Istanbul, dès le XVIIe siècle, accueillait en nombre des gens des côtes sud-orientales de la mer Noire, où le surpeuplement commençait certainement déjà à se faire sentir dans la frange littorale qui, à l'abri de la montagne et de puissantes forêts, était restée indemne, dans l'ancien empire de Trébizonde, des ravages des nomades turcs, et avait bénéficié d'une continuité du peuplement 1445.

Est-ce à dire que la polarisation vers la métropole ait été totale ? L'administration ottomane, certes, consacra tous ses efforts à la développer, et s'efforçait de dériver vers Istanbul les itinéraires commerciaux transverses afin de s'en assurer le contrôle. Elle cherchait ainsi en 1684 à obliger le commerce d'Ankara vers la Pologne à passer par la capitale 1446, et sévissait en 1691 et 1692 contre des marchands d'Alep qui passaient par les échelles des côtes de la mer Noire pour aller en Roumélie afin d'éviter les droits de transit élevés à payer à Istanbul 1447. En fait elle n'y réussit jamais. Au milieu du XVIIIe siècle florissaient de nombreux courants transversaux1448. C'est ainsi que la Crimée recevait noisettes, raisiné et pâte de prunes de la côte de Trébizonde, ainsi que du bois de la côte anatolienne et des objets de bois (vases, plats) fabriqués à Amasra. En revanche les grains de Crimée, malgré les interdictions, parvenaient fréquemment à Trébizonde et à Rize. Les vins de Tripoli et de Trébizonde sur la côte anatolienne, ceux d'Ak Kirman et de Misevria sur la côte de Bessarabie et de Bulgarie, étaient expédiés en Crimée, chez les Abazes, ou chez les Cosaques du Sud de la Russie qui s'approvisionnaient à Oczakov 1449. Les courants humains n'étaient pas moins diffus. Les montagnards des chaînes est-pontiques de l'Anatolie migraient non seulement vers Istanbul mais aussi dans toute la région à l'Ouest de la mer Noire. Il y avait même en Moldavie une importante colonie commerciale de Lazes (Caucasiens islamisés) 1450.

Au total cette mer Noire ottomane, plus que de courants systématiquement organisés, laisse l'impression d'une prodigieuse complexité de mouvements spontanés, « browniens », médiocrement centralisés et auxquels l'autorité supérieure n'avait pas réellement su imposer une coordination d'ensemble.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.