Les Révoltés de l'Amistad : Une odyssée atlantique (1839-1842) by Rediker Marcus

Les Révoltés de l'Amistad : Une odyssée atlantique (1839-1842) by Rediker Marcus

Auteur:Rediker, Marcus [Rediker, Marcus]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Document, Histoire
Éditeur: Seuil
Publié: 2013-08-27T22:00:00+00:00


Le dilemme abolitionniste

Hewins avait beau avoir des convictions anti-esclavagistes, sa décision de représenter le moment le plus violent de l’insurrection mit hors d’eux les abolitionnistes impliqués dans l’affaire. À une époque où ils tentaient chaque jour davantage de faire des Africains de l’Amistad de « malheureuses victimes » qui avaient miraculeusement « échoué sur nos rivages » – omettant ainsi et la rébellion et le voyage vers la liberté qui les mena à Long Island – Hewins réaffirmait avec force la puissance militante et effectivement révolutionnaire de l’affaire. Griswold, qui connaissait personnellement la plupart des prisonniers, écrivit une très longue lettre à Lewis Tappan pour lui décrire la peinture et lui faire partager ses vues à son propos. Plus que n’importe quel document datant de l’époque de l’affaire de l’Amistad, la lettre de Griswold met au jour le dilemme qui se posait aux abolitionnistes libéraux quant à la manière de représenter la révolte des esclaves38.

Griswold avait de nombreux reproches à adresser à la fresque. L’artiste s’était complètement trompé sur le caractère d’un certain nombre d’Africains (par exemple Fuli, « au cœur d’or », avait l’air « maléfique ») ; il avait fort médiocrement rendu leur apparence physique (« aucun personnage de la peinture, à l’exception de Konomo et peut-être de Grabeau, n’entretient la moindre ressemblance avec les hommes qui croupissent dans la prison de New Haven ») ; et sa description du soulèvement lui-même comportait un certain nombre d’erreurs factuelles (Ndamma semblait angélique et extérieur à la mêlée, mais la cicatrice qu’il avait à la tête suggérait qu’il avait été loin d’être un spectateur passif lors de la révolte).

Ce qui inquiétait Griswold, toutefois, c’était l’accent mis sur la violence et le meurtre du capitaine Ferrer, et l’impression que cette image pouvait laisser. En un mot, Griswold pensait que Hewins s’était dangereusement fourvoyé. L’artiste pouvait bien espérer dans son cœur que les Africains seraient libérés, mais sa peinture n’allait pas contribuer à ce combat, au contraire. Griswold écrivait : « Je n’ai aucune raison de douter de sa sincérité – c’est la qualité de son jugement que je me permets de remettre en question ; l’effet moral de cette peinture, si jamais elle en a un, sera je pense négatif – mais peut-être suis-je dans l’erreur. » Griswold était si inquiet des réactions que pourrait susciter cette peinture qu’il hésita à publier sa critique de l’œuvre, craignant qu’elle n’attirât l’attention sur la représentation de la violence, et que, ainsi, elle ne « blessât » la « cause de l’humanité », c’est-à-dire la lutte sacrée contre l’esclavage. Il fit part de ses interrogations à Tappan : « Je ne sais s’il est préférable ou non d’aborder le sujet en public ». Il laissa la décision à Tappan, qui apparemment jugea qu’il était préférable de se taire.

Les abolitionnistes se rongeaient les sangs à propos des représentations populaires de la rébellion de l’Amistad, mais, en vérité, ils y avaient une grande responsabilité. À peine les rebelles avaient-ils été amenés à terre que Dwight Janes



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