Les pirates de San Francisco by Jack London

Les pirates de San Francisco by Jack London

Auteur:Jack London
La langue: fra
Format: epub
Tags: Aventures maritimes
Éditeur: France Loisir
Publié: 1904-12-31T16:00:00+00:00


IV

VINGT ANS D’AMITIÉ AVEC LA MER

(Small-Boat Sailing)

On ne devient pas marin, on naît marin. Et par « marin » j’entends non pas ces individus quelconques et sans ressort qui composent aujourd’hui les équipages des grands paquebots, mais l’homme capable de manœuvrer ce complexe de bois, de fer, de cordages et de toile que représente un navire, et l’obliger à obéir à sa volonté sur la surface des flots.

À l’exception des capitaines et officiers des gros bâtiments, seul le marin qui conduit un petit bateau est digne de ce nom. Il sait, il doit savoir ce qu’il convient de faire pour que le vent transporte son esquif d’un point à un autre. Il doit connaître l’action des marées, les courants, les remous, les balises marquant les chenaux ou le passage d’une barre, ainsi que les signaux de jour et de nuit. Il doit être prudent dans l’appréciation du temps qu’il fait ou qu’il fera. Il lui faut connaître à fond, et avec un certain degré de tendresse, les qualités particulières de son bateau, qui confèrent à celui-ci sa personnalité, le rendent différent de tout autre bateau qui fût jamais construit et gréé. Il doit savoir le manier avec douceur, et, pour donner un exemple entre mille, le faire passer d’une amure à l’autre sans briser son élan, ni le laisser abattre trop fort.

Les marins des grands navires modernes n’ont nul besoin de connaître tous ces détails. Et d’ailleurs ils les ignorent. Ils halent, ils pèsent sur les manœuvres, quand on le leur ordonne, astiquent le pont, nettoient la peinture, et frottent les taches de rouille. Ils ne savent rien, et s’en soucient fort peu. Placez-les sur un petit bateau, et ils sont perdus. Ils feraient meilleure figure sur le dos d’un cheval emballé.

Je n’oublierai jamais mon étonnement d’enfant lorsque je rencontrai pour la première fois un de ces êtres bizarres. C’était un marin anglais déserteur. Je n’avais que douze ans, mais je possédais déjà une embarcation de cinq mètres, à dérive, non pontée, que j’avais appris moi-même à manœuvrer. Ce marin parlait de pays et de peuples étranges, de scènes de violence, et de tempêtes à faire dresser les cheveux sur la tête. Je l’écoutais, assis à côté de lui comme aux pieds d’un dieu. Un jour, je l’emmenai avec moi faire un tour dans ma modeste nacelle. Avec toute la tremblante émotion d’un bon petit amateur, je hissai la voile et nous partîmes. J’avais avec moi un homme qui, j’en étais sûr, devait tout examiner d’un œil critique, qui connaissait la mer et les bateaux plus que je ne saurais jamais. Au bout d’un moment, pendant lequel je me surpassai moi-même, il prit la barre et l’écoute. Je m’assis sur le banc étroit, au centre de l’embarcation. J’avais la bouche ouverte, car je m’attendais à voir ce qu’était un vrai marin. Et ma bouche resta ouverte : j’appris ce qu’est un vrai marin quand il se trouve sur un petit bateau. Il ne parvint pas à orienter convenablement la voile malgré ses efforts.



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