L'Anticonformiste by L'Anticonformiste

L'Anticonformiste by L'Anticonformiste

Auteur:L'Anticonformiste
La langue: fra
Format: epub, mobi
ISBN: EPUB9782207110997
Éditeur: Editions Denoël
Publié: 2011-01-20T05:00:00+00:00


Vous parliez d’une filiation. Vous diriez qu’elle va des sophistes grecs aux existentialistes et aux grands penseurs de la phénoménologie, comme Merleau-Ponty ou Husserl, en passant par certains humanistes antérieurs même au siècle des Lumières ?

Cette filiation constitue un point essentiel. C’est une histoire vraiment admirable et passionnante. Dans la lignée que vous évoquez, et bien avant nos philosophes contemporains, il faut réserver une place particulière à Pic de La Mirandole. En effet, dans son Discours sur la dignité de l’homme (De dignitate hominis), un texte écrit à la toute fin du XVe siècle (1486), il souligne déjà combien l’homme est hors échelle, hors hiérarchie, sans place particulière assignée dans l’ordre du monde, mais aussi sans archétype qui servirait de modèle à sa création et lui prescrirait une destinée préformée. Comme le dira Sartre exactement dans le même sens que Pic, mais sans le savoir : en l’homme, « l’existence précède l’essence ». Pic de La Mirandole, alors un très jeune homme, sans doute l’un des plus doués de son temps, prend l’initiative d’organiser un gigantesque colloque réunissant toutes les compétences de son époque autour de la question du propre de l’homme. Lui-même lit, en dehors de l’italien, sa langue maternelle, l’hébreu, l’arabe, le grec, le latin, le français et l’allemand. Ce garçon, d’une culture hors du commun pour son époque et son âge, perçoit très bien que dans l’univers du Moyen ge, dans l’univers chrétien, on ne valorise la dignité de l’homme qu’en tant qu’être intermédiaire — mi-ange mi-bête, pour parodier Pascal.

L’idée grecque d’une hiérarchie aristocratique des êtres, l’homme occupant l’échelon intermédiaire entre le divin et l’animal, s’est perpétuée tout au long du Moyen ge. Elle est même consubstantielle au monde féodal et à l’univers hiérarchisé dont elle constitue, pour ainsi dire, le double cosmologique. Pic la juge pourtant insatisfaisante : si l’homme est un intermédiaire entre les anges et les bêtes, on ne voit pas pourquoi, dit-il en substance, on ne devrait pas préférer les anges. Or, l’homme lui paraît admirable entre toutes les créatures, supérieur même aux anges qui, en un sens, ne peuvent que faire le bien tandis que l’homme, comme il va tâcher de le montrer, est libre d’inventer son destin, donc de faire aussi le mal. Cette ligne argumentative ancienne ne lui semble donc pas apporter la bonne réponse à la question du « propre » de l’humain. Ce qui caractérise celui-ci, explique Pic, ce n’est pas la place qu’il occupe sur l’échelle entre les dieux et les animaux, c’est le fait qu’il est justement hors échelle, qu’il est pour ainsi dire un électron libre, raison pour laquelle Pic de La Mirandole le compare à un caméléon qui peut adopter toutes les destinées. En effet, si l’homme n’est rien au départ, s’il n’a aucune identité préformée, pas d’essence entendue comme une idée platonicienne, pas d’archétype ni de modèle, à la différence de toutes les autres créatures, s’il peut devenir ceci aussi bien que cela, c’est qu’il est l’être des possibles. Or, cela s’appelle la liberté.



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