Les petites marchandes de plaisir by Jacques Cellard

Les petites marchandes de plaisir by Jacques Cellard

Auteur:Jacques Cellard [Cellard, Jacques]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Lit. érotique
ISBN: 9782266042642
Éditeur: Balland
Publié: 1990-05-23T22:00:00+00:00


VI

Un jour, deux hommes du monde se rencontrèrent, comme par hasard, dans la chambre à coucher de l’aimable enfant qui était, pour l’instant, sans aucun voile et complètement soûle.

Léon Bloy, « Il faut être de son siècle »

Exégèse des lieux communs

Jeudi 1er février

Janvier est un mois en or. Je ne ferai les comptes avec madame que jeudi prochain, parce que nous ne sommes prêtes ni l’une ni l’autre, mais je suis déjà certaine d’approcher le billet de mille francs. Il faut en retirer les frais de toilette, de sortie, de nourrice, la dèche, quoi ! et je n’en mettrai même pas la moitié de côté. C’est encore une gentille somme.

Le bête de l’affaire, c’est que je n’ai aucun projet qui m’encouragerait à gagner plus, à dépenser moins, et à entasser des billets. Je serai bien avancée d’avoir mis à gauche une dizaine de mille francs dans cinq ou six ans, si je reste aux Odalisques. Et en sortir, pour aller où ? Dans un autre bazar, un cran au-dessus, comme La Botte de Foin où travaille Gertrude-blanc-d’œuf, qui en est très contente ? Pour fricoter quoi d’autre qu’ici ? Me faire sucer dix fois par jour la craque et la pastille, puisque c’est la spécialité de La Botte de Foin ? Le tout pour me retrouver à trente-cinq ans riche de dix mille balles de plus ?

Quant à m’encombrer d’un homme, même pour un mariage à la détrempe, je ne m’y vois pas. Ici au moins, je mets les pieds sous la table quatre fois par jour, sans me soucier de cuisine ni de vaisselle. Quand je suis de sortie, je choisis mon restaurant. Si j’ai envie d’une paire de bas de dix francs, je me l’offre, sans m’entendre reprocher cette folie par personne, et pour cause. Il ne faut jurer de rien, c’est vrai, et toutes les femmes, moi comprise, sont sujettes à se monter un jour le bourrichon par un marlou quelconque, au point de gâcher leur vie pour lui. C’est ce que fait Cléo-grandes-orgues. Elle a toutes les qualités, Cléo : travailleuse, bonne camarade, pas pétardière pour un sou. Ici, elle se fait autant d’oseille que Fanny ou moi. Mais tout va à son maque à la mie de pain, au grand désespoir de madame, qui estime que, tant qu’à être exploitées et rongées, autant que nous le soyons par des personnes respectables et rangées, comme elle et monsieur.

Puisque la confession est remise à jeudi prochain, je décide d’aller aujourd’hui rendre visite à notre photographe, boulevard Beaumarchais. Il est dans son atelier, me dit son commis, occupé à sortir ses plaques du bain, ou je ne sais quoi. Il en sort cinq minutes après en s’essuyant les mains dans un torchon rouge troué de partout, et me demande brusquement, à son habitude, ce que je désire.

MOI. – Des… des images pieuses, monsieur Couturier. Vous vous souvenez de moi ? Lucienne, des Odalisques.

Il bougonne :

— Bien sûr, bien sûr. Gironde comme vous l’êtes, on ne vous oublie pas facilement.



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