Les grands jours by Mari Pierre

Les grands jours by Mari Pierre

Auteur:Mari Pierre
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Fayard
Publié: 2012-02-01T05:00:00+00:00


XIII

Simon vient d’apprendre qu’un des tout premiers obus, en tombant sur une caisse de grenades, a causé des ravages dans la section de sa compagnie détachée à cet endroit. Les mauvaises nouvelles s’agglutinent, bientôt elles n’arrivent plus qu’en grappe. Un abri en construction, sous lequel s’étaient réfugiés des hommes du 56e, a reçu un percutant de plein fouet. Le poêle a mis le feu aux boisages. On parvient à dégager trois hommes, atteints de brûlures ; la chute des madriers a tué les autres. Le lieutenant Petitcollet est enseveli sous des blocs de béton, dans l’abri même où Simon, un quart d’heure plus tôt, avait trouvé refuge. Quelques heures encore de ce traitement, et l’ennemi pourra se passer de fusils, de mitrailleuses et de lance-flammes pour nettoyer le bois. C’est bien le fameux Trommelfeuer, le tambour de feu annoncé. Les Allemands, avec leurs mots en paquets, sont à la hauteur de ce qu’ils infligent. Parfois, une accalmie hypocrite, aussitôt une récidive de fracas. Le bois fume de partout, le paroxysme de sifflements, de battements et d’explosions oblige à hurler. Et le fauchage des grands arbres s’accélère : c’est par dizaines qu’ils tournoient dans des étoiles de flammes, avant de s’abattre en cascades de craquements. L’air gras, pétri d’odeurs soufrées, ne se laisse plus respirer que par à-coups. Qui sait jusqu’à quelle hauteur le ciel est bouché ? Inutile d’espérer, dans ces conditions, le moindre soutien d’artillerie. Avec cette tornade opaque qu’ils ont devant les yeux, les artilleurs doivent se demander sur quoi tirer. Rien à faire, pour l’instant, qu’à attendre. À encaisser. À accumuler les coups sans perspective prochaine de se décharger. La consigne est de ne pas bouger. De tenir le terrain à tout prix. Et il y a des chances qu’elle ne varie pas. En réchapper ne veut plus rien dire : Simon voit les hommes, autour de lui, apprivoiser cette idée comme ils peuvent.

Toujours aucune nouvelle des premières lignes. Dans quel état l’assaut d’infanterie, qui sûrement ne tardera plus, va-t-il les trouver ? Les abris, là-bas comme ailleurs, ne sont pas faits pour résister longtemps. Des chefs de compagnie comme Vigneron, Robin et Seguin sont des hommes remarquables, Simon le sait, mais combien d’entre eux sont encore vivants ?

Il est un peu plus de quatre heures de l’après-midi quand le bombardement paraît se ralentir, puis se calme en effet. Un guetteur crie à plein gosier : « Les Boches ! » Rapidement, les sections de Simon occupent leurs emplacements. L’allongement des tirs permet de s’entendre un peu mieux. Le caporal Vuillamy lance : « Enfin, la vraie bataille ! En face, d’homme à homme ! » Simon en doute. Ce qui s’annonce, c’est plutôt une partie meurtrière de cache-cache, une guerre de rats où n’importe quel trou, levée de terre ou moignon d’arbre sera impitoyablement disputé.

Sa plus grande crainte – celle que Driant, dans les conversations avec Renouard, a fini par lui communiquer –, c’est que les Allemands, au lieu d’attaquer de face, n’empruntent la croupe qui



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