Les feux by Ôoka Shôhei

Les feux by Ôoka Shôhei

Auteur:Ôoka, Shôhei [Ôoka, Shôhei]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature japonaise
ISBN: 978-2862605142
Éditeur: Autrement
Publié: 1995-08-30T22:00:00+00:00


Chapitre 22

Colonne en marche

J’arrachai deux ou trois plants, ramassai les patates, puis, imitant mes camarades, jetai le contenu de mon sac à masque pour le remplir, et nous partîmes.

Le sergent marchait en tête. Nous suivîmes le chemin que j’avais pris la première fois pour venir, descendant jusqu’au cours d’eau que nous longeâmes pendant un certain temps, avant d’arriver à la première bifurcation, où nous nous attaquâmes à une autre colline.

Nous devions aller vers le nord. L’armée américaine avait déjà opéré la jonction entre les côtes orientale et occidentale, mais arrivée à un certain point, la route d’Ormoc se divisait en deux au nord de Limon, l’une des branches se dirigeant vers Palompon. Le sergent estimait qu’on pourrait sans doute atteindre par là la péninsule.

Après avoir franchi deux collines et deux rivières par des sentiers de montagne, nous arrivâmes sur un chemin qui avait à peu près la largeur d’une charrette.

— Attention aux avions. Ils visent les routes, dit le sergent.

Il était normal que les avions américains visent les routes. De petits groupes de soldats japonais surgissaient d’une colline ou d’un bois pour se joindre à nous. Nous fûmes bientôt l’équivalent d’une compagnie à nous étirer en une longue formation en marche.

Quand nous débouchions dans la plaine, la file s’enfonçait sous les arbres bordant le chemin, pour se regrouper plus loin, à l’entrée d’un bois. Et la route à l’intérieur de la forêt était parfois aussi encombrée qu’un trottoir en ville.

Les soldats étaient si mal en point qu’ils étaient méconnaissables. Leur uniforme était déchiré, leurs chaussures trouées, leur barbe et leurs cheveux avaient poussé, et seuls leurs yeux brillaient au milieu du visage qu’ils avaient sale et pâle. Ces yeux semblaient épier sans cesse leurs voisins.

À Palompon, à Palompon ! Traînant un corps affamé, malade, exténué, chacun avait le même désir et avançait sur la route en espérant ne pas prendre de retard sur les autres. En montant les côtes, nous dépassions des soldats qui se reposaient ou s’étaient écroulés.

L’ordre militaire que nous avions reçu devait être connu de l’armée américaine. Même lorsque nous étions dans les bois, leurs avions nous survolaient à basse altitude, nous entendions des explosions et il y avait des tirs de mitrailleuses. Les soldats se dispersaient alors en tous sens, et de nouveau le nombre de morts et de blessés augmentait sur le bord de la route.

La nuit vint. Le sergent nous fit quitter le chemin pour descendre dans la vallée, sortit la poudre du fond d’une balle et la frotta avec une branche d’arbre pour faire du feu. Je fus consterné par mon étourderie, car j’avais mangé des patates crues pendant une semaine dans la montagne et menacé le couple de Philippins pour obtenir des allumettes, sans penser à une méthode aussi simple. Je mangeai chaud ce soir-là, ce que je n’avais pas fait depuis longtemps.

Il était certain que la plupart des soldats n’avaient pas autant de vivres que nous. C’était la raison pour laquelle nous nous étions éloignés de la route pour manger.

Quand nous eûmes terminé notre dîner, nous retournâmes sur la route pour marcher au clair de lune.



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