Les Errantes by Jo Witek

Auteur:Jo Witek [Jo Witek]
La langue: eng
Format: epub
Éditeur: Actes Sud
Publié: 2022-07-08T07:02:19+00:00

18

SASKIA

Un enlèvement de mineure. C’est ce qu’avec Suzanne elle venait de commettre. Sans violence, sans intention de nuire ni demande de rançon, certes, mais c’était bien un délit grave passible de plusieurs années de prison. Bizarrement la punition n’était pas ce qui l’effrayait le plus. Ce qu’elle redoutait, c’était le regard de ses parents. Comment leur expliquer son acte ? C’est à cela qu’elle pensait dans la voiture qui les ramenait vers Paris, tentant de faire disparaître cette terrible image de sa famille venant la visiter en prison. Elle en tenue de coupable dans un parloir sordide face à ses parents incrédules. Le pitoyable état de santé d’Anne-Lise ne l’aidait pas. Elle avait l’air si perdue, elle aurait pu lui faire faire n’importe quoi, l’emmener n’importe où. Pour ne pas flancher, elle se raccrocha au plan de départ. Rester groupées sans se faire repérer.

– Tu dois te changer, lui annonça-t-elle.

Elle sortit du sac en toile les vêtements que Suzanne avait préparés afin qu’on ne reconnaisse pas Anne-Lise dans leur quartier. Elle ignorait combien de temps il leur restait avant que l’alerte enlèvement soit déclenchée et diffusée par tous les médias.

– J’espère que ça te plaira, ce sont mes fringues, précisa Suzanne d’un coup d’œil amusé. Enfin, celles qui chez toi l’autre soir n’ont pas cramé.

– Je suis désolée, s’excusa Anne-Lise, je te rembourserai…

– Je plaisante ! Je plaisante. Il va falloir qu’on se cale toi et moi niveau humour, parce que tu vas devoir me supporter un petit bout de temps.

Anne-Lise, une fois de plus, ne releva pas et exécuta en silence leurs demandes. Elle était si fébrile que Saskia dut l’aider à ôter ses vêtements. L’adolescente avait un souffle rauque et sifflant qui l’inquiéta.

– Tu es asthmatique ?

– C’est la fatigue, ne t’inquiète pas. Je n’ai pas d’asthme, enfin seulement quand je suis enfermée, je suis claustrophobe, sinon ça va.

Elle surprit dans le rétro le regard inquiet de Suzanne. Cette nouvelle n’allait pas simplifier leur plan et pouvait même le mettre en péril. De toute façon, il était trop tard pour faire marche arrière, alors elle se tut et elle paria sur la confiance que leur accordait l’adolescente. Habillée avec les vêtements de Suzanne – bonnet, sweat à capuche, jean –, Anne-Lise avait des allures de rappeuse.

– Je nage dans les chaussures, leur dit-elle d’un air amusé en enfilant les baskets.

– Pas grave, t’auras pas beaucoup à marcher, la rassura Suzanne.

– Merci de faire tout ça pour moi.

La gamine n’avait aucune idée de ce qui l’attendait, elle s’en remettait entièrement à elles et Saskia ne put s’empêcher de se sentir responsable. Si le plan ratait, si les choses lui échappaient, s’il arrivait le moindre problème à l’adolescente, elle ne se le pardonnerait jamais.

– Les filles, je vais vous débarquer quai des Célestins, annonça Suzanne. Ensuite, j’irai rendre la bagnole à Naël qui m’attend vers Bastille. J’abandonnerai les fringues d’Anne-Lise dans une poubelle, j’achèterai ce que je dois acheter à la boutique repérée et on se rejoindra au jardin des Arts pour la suite des opérations.

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