Les Désarrois du professeur Mittelmann by Eric Bonnargent

Les Désarrois du professeur Mittelmann by Eric Bonnargent

Auteur:Eric Bonnargent
La langue: fra
Format: epub
Tags: Éducation nationale, philosophie, société, humour
Éditeur: Editions du Sonneur
Publié: 2023-07-10T00:00:00+00:00


2006, AUTOPSIE D’UNE HISTOIRE D’AMOUR

Sitôt terminée la réunion de prérentrée, ses collègues s’étaient précipités au secrétariat pour prendre connaissance de leur emploi du temps, avec la même frénésie qui les saisissait probablement à l’ouverture d’H&M le premier jour des soldes. La seule question qui, ces derniers jours, les avait tourmentés au point d’avoir gâché la fin de leurs vacances – et pour d’aucuns fait perdre le sommeil ou provoqué ce matin la boule au ventre –, n’avait pas été de connaître la répartition des classes dont ils auraient la charge, non plus que le nom des collègues avec lesquels ils auraient à travailler : la seule, l’exclusive, l’unique question pour eux avait été de savoir si leur emploi du temps serait conforme à leurs désirs. Et comme chaque année, leur déception serait à la hauteur de leurs exigences : l’un ne voulait travailler ni le vendredi, ni le samedi, l’autre ni le mercredi ni le samedi, l’un souhaitait ne travailler que l’après-midi, l’autre que le matin, l’un ne jamais commencer à 8 h 30, l’autre ne jamais finir après 16 h, etc. Fébriles, ils faisaient la queue devant la porte du secrétariat. À mesure qu’ils avançaient, leurs bavardages se tarissaient. Ils s’efforçaient de sourire avec à peu près autant de dignité et de résignation qu’au seuil du cabinet d’un proctologue. Leur précieux document en main, ils se rendaient en salle des professeurs afin de l’examiner. Alors que les plus chanceux se faisaient aussi discrets que possibles, d’autres cédaient au désespoir (il lui était arrivé d’en voir certains fondre en larmes) tout en maudissant la direction, dont l’objectif supposé était de leur pourrir l’existence, fulminant et affirmant que cela ne se passerait pas comme ça : il fallait agir, en appeler aux syndicats, au conseil d’administration, au recteur, au ministre. Tous estimaient, comme chaque année, que c’était le pire emploi du temps qu’ils avaient jamais eu. Alors, en ordre de bataille, ils s’en allaient assiéger militairement le bureau du proviseur adjoint et quémander humblement tel ou tel aménagement.

Lui ne s’était jamais soucié de cette question, se résignant stoïquement à ce que l’on lui octroyait. Après tout, une année scolaire ne comptait guère qu’une trentaine de semaines.

– Putain, t’as vu la nouvelle prof d’anglais ?

C’est en ces termes que, ce lundi 3 septembre 2001, il entendit parler de Carolyn pour la première fois. Il n’avait pas vu arriver Régis, ce prof d’il n’avait jamais su trop quoi, une de ces disciplines technologiques dont il ignorait jusqu’au nom. Qu’il commençât chacune de ses phrases par « putain » était déjà agaçant, mais plus irritante encore était son appartenance à l’espèce des tontons rigolos sur lesquels on tombe tôt ou tard lors d’un mariage. Toujours à l’affût d’un auditoire, il greffait son mètre quatre-vingt-dix et ses cent et quelques kilos à un groupe aussi fourni que possible, suivait la conversation les yeux écarquillés en se dandinant à la façon d’un pendule et, à la moindre pause dans la discussion, balançait une citation de Coluche



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.