Les cocottes bleues by Jeanne Yliss

Auteur:Jeanne Yliss [Yliss, Jeanne]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Jeanne YLISS
Publié: 2023-10-31T23:00:00+00:00

Au cours du repas, elle relève la présence d’une octogénaire qui mange sans compagnie.

— C’est triste quand même de devoir se rendre seule au restaurant, dit Angèle avant d’enfourner une fourchetée de haricots verts dans sa bouche.

Louise observe la dame tandis qu’Angèle poursuit.

— Heureusement que j’ai ma Rose. Je ne sais pas ce que je deviendrais sans elle.

— Pardonnez-moi.

Louise recule brusquement sa chaise et se lève. Son visage pâlit légèrement, ses mains tremblotent. Elle se dirige d’un pas rapide vers les toilettes, à la recherche d’un refuge. Elle traverse la salle, bouscule un serveur, la vue brouillée par un voile humide. La porte se rabat derrière elle, ce qui la plonge dans un silence salvateur. Ses épaules s’affaissent, trahissant le fardeau qu’elle porte. Les larmes qui menacent de se frayer un chemin le long de ses joues jaillissent. Elle les laisse couler quelques minutes avant de sortir de sa cachette.

Le miroir lui renvoie le reflet d’une femme aux yeux rougis. Elle pose ses mains sur le lavabo, se ressource grâce à la fraîcheur de la faïence, ferme les paupières. Elle asperge son visage d’eau froide.

— Excuse-moi, bafouille Angèle lorsque Louise se rassoit face à elle. C’était maladroit.

Louise se mord la lèvre. Absorbée par la dégustation de ses frites, Rose ne relève pas le désarroi de sa nounou. Angèle promène sa fourchette dans l’assiette.

— Enzo te manque, c’est ça ?

— Oui.

— Tu le vois uniquement pendant les vacances ?

— Jusqu’à présent, oui. Mais grâce au travail que tu m’as proposé, je peux mettre un peu d’argent de côté. Comme ça, je pense pouvoir m’offrir un week-end à Nice de temps à autre.

— Tu ne peux pas demander ta mutation ?

— Si, je l’ai fait. Pour l’instant, je n’ai pas de poste. À la rentrée prochaine, j’espère. Mais vivre là-bas coûte cher, donc c’est difficile. Et Alex ne m’a pas versé de pension depuis plusieurs mois.

Louise picore tout en expliquant sa situation. Rose, qui a fini son assiette, s’intéresse soudainement à elle.

— Pourquoi tu es triste ?

— Ce n’est rien, ma puce, la rassure la nounou avec un sourire qui se veut joyeux.

Angèle sort des crayons de couleur et du papier de son sac pour divertir Rose et poursuivre tranquillement leur conversation entre adultes.

— Traîne-le en justice ! Ce n’est pas normal.

— Si c’était si simple…

Angèle fourre un morceau de viande dans sa bouche et mastique au rythme de ses pensées, à la recherche d’une solution.

— Tes parents ne peuvent pas t’aider ?

— Non, pas vraiment, répond Louise. Ils n’ont pas beaucoup de moyens.

— Écoute, je vais voir ce que je peux faire. Je peux sûrement augmenter ton sal…

— Non, l’interrompt Louise d’un signe de la main. Je ne demande rien et je ne veux surtout pas de pitié.

— Ce n’est pas de la pitié, c’est de la reconnaissance. Rose t’adore, tu m’aides énormément, tu en fais plus que tu ne le devrais, tu ne comptes pas tes heures, tu restes tard le soir. Honnêtement, combien de chances j’avais de tomber sur

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