Le Temps des prédateurs by François Heisbourg

Le Temps des prédateurs by François Heisbourg

Auteur:François Heisbourg
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions Odile Jacob
Publié: 2020-03-07T09:08:07+00:00


• Le transactionalisme est au cœur du monde vu par Trump, et cela depuis qu’il s’exprime sur les relations extérieures des États-Unis. Dans le monde de l’immobilier new-yorkais où il a fait ses premières armes, forgé son caractère et bâti sa vision du monde, il n’existe pas d’alliances durables ni de stratégies à long terme : tout est affaire d’opportunité et de rapport de force instantané. Le partenaire du jour peut être l’ennemi d’hier et de demain. Il n’y a ni alliés durables ni antagonistes permanents. C’est cette réalité que Trump extrapole et étend à l’ensemble des relations extérieures américaines. Cela explique pourquoi il a tendance à traiter avec respect, voire avec affection, certains adversaires de l’Amérique, alors qu’il manifestera sa condescendance ou son mépris pour ceux qui s’étaient habitués à la considérer comme un allié au long cours : à ce jeu, mieux vaut être un maréchal égyptien, qualifié de « dictateur favori », qu’une chancelière allemande à qui il tourne ostensiblement le dos.

Il est possible pour Trump de menacer la Corée du Nord du feu nucléaire avant d’évoquer quelques mois plus tard l’« amour » qui s’est noué avec Kim Jong-un – en attendant que le pendule ne reparte dans l’autre sens. Cela n’introduit pas simplement de l’imprévisibilité quant au prochain coup que Trump va jouer : après tout, l’imprévisibilité et l’opportunisme, voire un brin de folie apparente, peuvent être des atouts en relations internationales, comme le suggérait naguère Kissinger à Nixon face aux dirigeants nord-vietnamiens récalcitrants. De surcroît, tout pays, même les parangons de vertu scandinaves, est amené à pratiquer une approche transactionnelle quand les circonstances ne laissent pas d’autre choix.

Le transactionalisme érigé en système a un autre effet, extraordinairement pernicieux dans la durée, car il empêche toute œuvre de longue haleine qui requiert l’établissement de relations de confiance. La guerre froide a été remportée pas simplement par le camp le plus performant en termes économiques et sociaux. Les Occidentaux avaient aussi su créer des liens de confiance suffisamment solides pour surmonter des désaccords profonds, comme la sanglante guerre du Vietnam à laquelle aucun pays européen n’a accepté de participer, ou le retrait de la France de l’Otan, ou les nombreuses disputes commerciales et monétaires. Ce qui comptait alors, c’était l’enjeu central qu’était la confrontation Est-Ouest.

La solidarité librement consentie a fonctionné à l’Ouest, alors qu’à l’Est les peuples cherchaient toutes les occasions pour rejeter le joug imposé par les Soviétiques. L’Empire soviétique, lui, s’effondre d’abord à Varsovie et à Berlin. Avec Trump, il n’y a tout simplement pas de projet dans la durée, que celui-ci repose sur la confiance et la persuasion ou qu’il résulte de la force. Dans ce contexte, l’Union européenne et spécialement l’Allemagne ont été considérés par lui comme un ennemi (foe) « pire que la Chine ».

De plus, le transactionalisme de Trump est fortement centré sur la composante financière. C’est somme toute assez logique, puisque chaque transaction est considérée comme unique : elle doit donc toujours avoir une rentabilité immédiate avec un compte de résultat positif.



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