Le syndrome du varan by Justine Niogret

Le syndrome du varan by Justine Niogret

Auteur:Justine Niogret
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Le Seuil
Publié: 2018-11-18T16:00:00+00:00


Le lendemain, le poivrot s’est levé à six heures et demie, il devait prendre la voiture. Il ne savait pas où il était garé. Il tremblait, il a traité un des chats de sale grosse vache de pute, salope obèse de merde, en criant. Il s’est perdu, et mon conjoint a dû se lever pour l’accompagner retrouver sa bagnole. Le poivrot m’a écrit quelques jours après, comme s’il ne s’était rien passé. Je lui ai dit d’aller se faire foutre.

Le Blanc pense contenir le Noir, l’homme pense contenir la femme, le valide pense contenir le neuroatypique. Ils pensent que l’autre est comme lui, mais en plus petit ; que s’il baisse sa réflexion, comme on s’agenouille devant un enfant, alors il pourra dire et conseiller.

« Il n’a pas voulu dire ça ! » « Mais non il n’est pas raciste ! » « Tu ne peux pas regarder un film sans faire chier ? » « C’est toi qui ne fais pas d’effort. »

Les rares fois où je parle de ce que mes parents ont choisi de faire, des gens qui n’ont jamais rien vécu de comparable me font don de leurs précieux conseils. Je sais qu’une part vient de la gêne qu’ils ont à ne pas savoir quoi dire, justement, mais ils peuvent faire l’effort de se taire. Je fais bien l’effort de vivre et de ne pas frapper les gens dans la rue, moi. Mais une part du conseil est donnée sincèrement, parce que les gens pensent réellement que je suis eux, avec quelque chose en moins. Avec une douleur qui me rend inférieure à eux. Ils pensent que je vis dans le traumatisme, que j’y suis soumise, sans même me demander si c’est le cas, ou parler assez longtemps avec moi pour avoir une opinion à ce sujet.

Quand ils le font, les gens sont toujours un peu surpris de me dire « Vous avez l’air d’aller bien ». Oui, je vais bien, merci. C’est ma vie, mon travail, je suis responsable d’aller bien. J’y ai passé trente-cinq ans, dans ces égouts à ciel ouvert, à faire le tri, à rêver, à me réveiller en saignant du nez, à noter les comportements, à ajuster mon radar. J’ai trente-cinq ans d’expérience, vos dix minutes de conseil ne sont rien. Ils sont à vous, vous les donnez par bêtise, un peu, par prétention, beaucoup. Vous voulez donner un conseil ? Parlez-moi de ça, par exemple, parlez-m’en.



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