Le Schmock - Franz-Olivier Giesbert by Franz-Olivier Giesbert

Le Schmock - Franz-Olivier Giesbert by Franz-Olivier Giesbert

Auteur:Franz-Olivier Giesbert [Giesbert, Franz-Olivier]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2019-05-28T22:00:00+00:00


* * *

1. Journal, 1943-1945, Taillandier.

2. Voir Note sur la suppression générale des partis politiques, par Simone Weil.

28

La chasse aux Juifs a commencé

MUNICH, 1933. Un soir, alors qu’elle rentrait à la villa Sanssouci, quatre individus en chemise brune emmenèrent de force Elsa Weinberger dans une BMW 3/15 qui démarra en trombe. La voiture s’arrêta un peu plus loin, et la jeune femme fut jetée sur le trottoir, puis rouée de coups par les paramilitaires aux cris de « Juden ! ».

Elle fut ramenée chez elle en voiture par un couple qui avait assisté à la scène. Appelés à son chevet, son époux Élie et le docteur Weidmann diagnostiquèrent un traumatisme crânien ; trois fractures, au poignet, au genou, au tibia ; trois côtes, deux dents cassées ; de nombreux hématomes, notamment à l’œil, sur le front, les seins, les jambes ; un petit doigt dont l’extrémité avait été réduite en bouillie.

À l’énoncé de ce bilan, Elsa resta stoïque, les mâchoires serrées, les yeux secs. Pour elle, les seules choses qui comptaient étaient le bris des deux dents de la mâchoire supérieure, une canine et une incisive, ainsi que la blessure de l’auriculaire.

« Je me vengerai, murmura-t-elle.

— C’est à moi de le faire », corrigea Élie.

Parmi ses agresseurs, Elsa avait reconnu Werner von Hohenorff. Les cheveux lissés en arrière, le regard perçant, la bouche délicate, il avait un peu forci mais il gardait cette beauté du diable que l’on trouve souvent dans l’aristocratie finissante, quand elle ne croit plus en rien, même pas en elle-même. C’était lui qui avait porté les coups les plus violents.

Élie Weinberger voulait porter plainte mais Elsa l’en dissuada.

« C’est nous qui irions en prison. Tu n’as pas encore compris que l’hitlérisme est une machine à tuer. Nous n’avons pas d’autre solution que de partir.

— Pas dans ton état, mon amour ! C’est impossible ! Avec ton genou, il faudra plusieurs mois de convalescence. On avisera après.

— Pense à nos enfants, Élie. Dans quelques mois, il sera peut-être trop tard. »

Pris d’une envie soudaine d’embrasser Elsa, Élie posa un baiser sur son front. Elle sourit d’un sourire douloureux, et il cita Novalis :



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