Le policier qui rit by Sjöwall Maj & Wahlöö Per

Auteur:Sjöwall, Maj & Wahlöö, Per [Sjöwall, Maj & Wahlöö, Per]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Publié: 2014-04-09T22:00:00+00:00

20

Devant un immeuble de Hägersten, un homme couvert de neige étudiait pensivement un bout de papier détrempé qui partait en lambeaux.

La lumière du réverbère était chétive, les tourbillons de neige lui compliquaient la tâche et il voyait mal ce qui était écrit sur le papier. Néanmoins, il semblait qu’il était finalement arrivé à destination. Se secouant comme un chien crotté, il grimpa les marches, frotta énergiquement ses pieds en haut du perron et sonna. Il se décoiffa, épousseta son chapeau couvert de flocons et attendit la suite des événements.

La porte s’entrebâilla et une femme d’un certain âge apparut, qui lui jeta un coup d’œil furtif. Elle portait une blouse d’intérieur, un tablier et ses mains étaient blanches de farine.

— Police, annonça l’homme d’une voix rauque.

Il s’éclaircit la gorge et ajouta :

— Inspecteur Nordin.

Elle l’étudia d’un air inquiet.

— Pouvez-vous le prouver ? Je veux dire…

Nordin poussa un bruyant soupir, fit passer son chapeau dans sa main gauche, déboutonna son pardessus, sa veste, sortit son porte-cartes.

La femme suivait ses mouvements avec appréhension comme si elle s’attendait à le voir exhiber une bombe, une mitrailleuse ou un préservatif.

Elle examina avec une attention de myope le document qu’il lui présentait à travers l’interstice de la porte.

— Je croyais que les policiers avaient un insigne, murmura-t-elle d’un air de doute.

— C’est vrai, madame. J’en ai un, répondit-il en se renfrognant.

Son insigne, il le gardait dans sa poche-revolver et se demandait comment il allait bien pouvoir faire pour le prendre à moins de lâcher son chapeau ou de le remettre sur son crâne.

— Bon ! Cela doit suffire, dit la femme à contrecœur. Vous êtes de Sundsvall ? C’est pour m’interroger que vous êtes venu de si loin ?

— J’avais également d’autres affaires à régler à Stockholm.

— Je suis désolée, mais, voyez-vous… c’est-à-dire que…

Sa voix défaillit.

— Oui, madame ?

— C’est qu’il faut être prudent par les temps qui cornent, comprenez-vous ? On ne sait jamais…

Nordin se faisait du souci à cause de son chapeau. La neige tombait dru et les flocons fondaient sur son crâne chauve. Il ne pouvait quand même pas rester comme cela, sa carte d’identité dans une main, son couvre-chef dans l’autre. Peut-être aurait-il besoin de prendre des notes. La solution la plus simple serait encore de se recoiffer mais la chose risquerait de passer pour une impolitesse. Le poser par terre serait ridicule. Peut-être devrait-il dire à son interlocutrice : « Est-ce que je peux entrer ? » Mais, à ce moment, elle serait contrainte de prendre une décision. Il faudrait qu’elle réponde par oui ou par non et, si Nordin ne se trompait pas, il y avait de fortes chances pour qu’elle mette un bon moment avant de se décider.

Dans sa province, la coutume voulait que l’on accueillît tous les étrangers dans la cuisine, qu’on leur offrît une tasse de café et qu’on les laissât se chauffer devant le fourneau. Une tradition aimable et bien pratique, songeait-il. Mais peut-être ne convenait-elle pas dans les grandes villes. Rassemblant ses esprits, il demanda

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