Le Liseur by Bernhard Schlink

Le Liseur by Bernhard Schlink

Auteur:Bernhard Schlink [Schlink, Bernhard]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2013-02-16T05:00:00+00:00


7

Si l’obstination qu’Hanna mettait à protester irritait le président, la facilité avec laquelle elle reconnaissait les faits irritait les autres accusées. Pour leur défense, mais aussi pour la sienne, c’était désastreux.

De fait, le dossier ne se présentait pas mal pour les accusées. Quant au premier des principaux chefs d’accusation, les preuves étaient constituées exclusivement par les dépositions : de la mère et de la fille, et par le livre de cette dernière. Une bonne défense aurait pu, sans récuser la teneur de ces témoignages, contester valablement que les sélections aient été pratiquées particulièrement par les accusées. En l’occurrence, les indications des deux témoins n’étaient pas précises et ne pouvaient pas l’être ; après tout, il existait un commandant, des équipes de SS, d’autres surveillantes et toute une hiérarchie de subordinations et de missions diverses à laquelle les détenues n’étaient confrontées que de façon partielle et dont, par conséquent, elles ne pouvaient avoir que des vues partielles. Il en allait de même pour le deuxième chef d’accusation. La mère et la fille étaient enfermées dans l’église et ne pouvaient témoigner de ce qui s’était passé à l’extérieur. Certes, les accusées ne pouvaient prétendre n’avoir pas été là. Les autres témoins, habitants du village à l’époque, leur avaient parlé et se souvenaient d’elles. Mais ces autres témoins devaient prendre garde de ne pas encourir le reproche d’avoir eux-mêmes été en mesure de sauver les détenues. Si seules les accusées étaient présentes, est-ce qu’ils n’auraient pas pu neutraliser ces quelques femmes et ouvrir eux-mêmes les portes de l’église ? N’étaient-ils pas obligés de se replier sur une ligne de défense consistant à dire que les accusées avaient agi sous la même contrainte qu’eux, laquelle les disculpait de même ? Sous la contrainte ou sur l’ordre des SS qui n’avaient pas encore fui, ou bien dont les accusées avaient du moins pensé qu’ils ne s’étaient que brièvement absentés, peut-être pour emmener leurs blessés jusqu’à une infirmerie de campagne, et qu’ils ne tarderaient pas à être de retour ?

Lorsque les défenseurs des autres accusées virent que de telles stratégies se heurtaient à la bonne volonté qu’Hanna mettait à reconnaître les faits, ils adoptèrent une stratégie exploitant cette bonne volonté pour charger Hanna et disculper les autres. Les avocats s’y prirent avec une froide objectivité. Les autres accusées les secondèrent à coups d’objections indignées.

« Vous avez dit que vous saviez que vous envoyiez ces détenues à la mort : cela ne vaut que pour vous, n’est-ce pas ? Ce que savaient vos camarades, vous ne pouvez pas le savoir. Vous pouvez peut-être le supposer, mais en fin de compte vous ne pouvez pas en juger, n’est-ce pas ? »

Hanna était interrogée par l’avocat d’une autre accusée.

« Mais nous savions toutes…

— C’est plus simple de dire nous, de dire nous toutes, plutôt que de dire moi, moi seule, n’est-ce pas ? Est-il exact que vous, vous seule, aviez dans le camp vos protégées, à chaque fois des jeunes filles, une pendant un temps, puis une autre ? »

Hanna hésitait.



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