Le jeu de l'ombre by Cédric Sire

Auteur:Cédric, Sire
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Le Pré aux clercs
Publié: 2011-01-26T05:00:00+00:00

42

Vauvert se demanda dans quelle situation il venait de se fourrer malgré lui. Habituellement, c’était lui qui maîtrisait le jeu de l’interrogatoire. Mais, si cette étrange femme était en mesure de l’aider dans son enquête, il ne pouvait pas laisser passer cette opportunité. Il prit une longue inspiration et lui dit :

— C’est bon. Que voulez-vous donc savoir, Amy ?

Il mordit dans sa portion de cake. La jeune femme n’avait pas menti. Il était délicieux. Il but ensuite une gorgée de thé, tout aussi succulent.

— Voici ma question. Croyez-vous au destin ? lui demanda Amy De Santis.

Ce n’était pas du tout le genre de question auquel il s’attendait, en admettant qu’il s’attende à quoi que ce soit. Il prit tout de même le temps de réfléchir, tout en mangeant le cake, pour donner sa réponse.

— Je crois que l’on bâtit nous-mêmes notre propre destin, avec nos actes. Au final, on ne récolte que ce qu’on mérite. Cela vous convient, comme réponse ?

La jeune femme l’observait attentivement. Un pli barra le coin de sa bouche.

— Non, cela ne me convient pas. Ce que vous me sortez là, c’est le cliché de la morale judéo-chrétienne. Je vous posais la question à vous. Est-ce que, vous, vous y croyez ?

— Eh bien, grogna Vauvert, je vous le répète, et c’est bien ce que je crois. Eddy récoltera ce qu’il mérite, un jour ou l’autre.

Au fond de lui, il espérait que cette réponse ferait plaisir à la femme. Pourtant, pour la première fois depuis qu’il était arrivé, il vit une ombre passer sur son visage de porcelaine. Sa douceur disparut.

— Commandant, je vais vous confier quelque chose. Cela fait deux ans que je poursuis Eddy en justice. Croyez-moi, il n’a jamais eu à subir le moindre retour de bâton. Et je doute que cela arrive. Ce type est en téflon. Tous vos collègues essaient de le coincer depuis des années et il s’en sort toujours avec une petite tape sur le poignet, et davantage de billets dans son matelas.

Il y avait un terrible pessimisme dans sa voix. Vauvert se sentit sincèrement désolé pour elle.

— Il vous a fait beaucoup de mal ?

Le regard bleu se chargea de douleur.

— Si vous parlez d’un total de sept mois passés à l’hôpital en quatre ans de vie commune, avec douze fractures et une commotion cérébrale pour la dernière fois, oui. On peut dire que cette ordure m’a fait beaucoup de mal.

Vauvert hocha la tête.

— Je ne me rendais pas compte. Je suis désolé.

— Vous n’avez pas à l’être. C’était mon choix. J’étais fascinée par ce genre de brutes.

Le terme employé fit grincer les dents de Vauvert. Il se rappela Eddy Roche, sa silhouette molle avec son short sale, ses cheveux gras et son odeur écœurante d’alcool. Il ne comprenait pas ce qu’on pouvait trouver de fascinant chez un tel déchet. Mais il se rappelait aussi les mots de la logeuse des deux filles, qui lui avait dit que Mia Gossov était attirée par les mauvais garçons, et cela le plongeait dans une immense confusion.

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