Le Gardien des Dragons by Andréa Jo Forest

Auteur:Andréa Jo Forest [Forest, Andréa Jo]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantastique
Publié: 2017-07-06T22:00:00+00:00

Chapitre 7

Le duc d’Apremont crie des paroles inintelligibles et s’agite dans son délire fébrile. Son oncle lui saisit les poignets, essaie de contenir ses mouvements désordonnés. Eric s’apaise seulement quand son frère se glisse dans son esprit, le retrouve dans les brouillards opaques, puis avec douceur et tendresse, le ramène vers la lumière.

Dans la tente royale, aidé de Nori, Ann soutient son neveu qui se dégage du non-lieu avec difficulté et ne lui cache plus son angoisse.

— Il se perd davantage de jour en jour et tu es exténué.

— Mais il est toujours vivant, murmure Renaud. Vivant... et cela seul est important.

— Quatre jours et trois nuits, tu ne tiendras pas plus long...

— Je tiendrai le temps qu’il faudra. J’ai juste besoin de dormir un peu.

Il embrasse Laurianne avant de sombrer dans un sommeil sans rêves. L’oncle et la nièce se regardent, se comprennent sans un mot, unis par une angoisse identique. Les limbes ont de moins en moins de mal à retenir Renaud épuisé en leur sein. Ils lui soutirent ses dernières forces en dépit de l’énergie que Naluri lui insuffle.

Eric cille. La douleur explose dans tout son corps. Il se replie sur lui-même en gémissant, tenté de s’abîmer de nouveau au sein de l’inconscience apaisante.

Un regard gris intense capte le sien, le retient par la seule force de sa volonté. Il perçoit le soulagement de sa sœur et son oncle, puis le relâchement de la tension hypnotique exercée sur lui par l’Enfant de la Nuit... pas la présence de son frère. Un étau enserre son cœur.

— Renaud ?

— Il dort à côté de toi, le rassure Nori.

Il lui place la main sur celle de son frère, puis frissonnant et les jambes tremblantes, s’écarte d’eux et s’assoit à même le sol. Ann relève un peu Eric, Laurianne lui fait avaler plusieurs mesures d’un puissant analgésique.

— Renaud...

— Ne t’inquiète pas, lui répond sa sœur. Il doit se reposer tout comme toi. Dors...

La douleur reflue par vagues et il s’abandonne au sommeil. À mi-chemin entre la réalité et le rêve, il fait un dernier effort et ouvre les yeux, cherche le regard de Nori, lui murmure :

— À tout à l’heure, petit frère.

Dans le non-lieu, leur âme mise à nue par les brumes avides et mortelles, l’adolescent ne l’a pas seulement guidé. Il l’a soutenu avec une affection touchante, a prévenu chacune de ses défaillances en l’enveloppant de sa propre entité à la seule fin de le protéger de la voracité des limbes. Heureux, Nori lui sourit.

Maître Fauvette pousse les feuillets, pose sa plume après l’avoir nettoyée et appuie son dos endolori contre le dossier de son siège peu confortable. Dès qu’il a un moment de liberté durant lequel il n’est pas abruti de fatigue, il écrit tout ce qu’il a vu et entendu. Des milliers de mots, les uns derrière les autres, assemblés en paragraphes, découpés en chapitres journaliers. Il ne prend plus le temps de se relire. Il expose les faits et s’applique à n’y développer aucun de ses sentiments.

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