Le Creuset français. Histoire de l'immigration (XIXe-XXe siècle) by Gérard Noiriel

Le Creuset français. Histoire de l'immigration (XIXe-XXe siècle) by Gérard Noiriel

Auteur:Gérard Noiriel
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Le Seuil
Publié: 2016-06-14T16:00:00+00:00


2. « DEUXIÈME GÉNÉRATION » : À LA RECHERCHE D’UNE DÉFINITION

Définir la « deuxième génération » est un problème délicat pour la recherche scientifique. Tout d’abord, on ne peut s’appuyer ici sur les nomenclatures officielles. En France, les recensements n’établissent pas cette distinction que l’on trouve aux États-Unis entre les Américains de souche et ceux qui ont des parents nés à l’étranger ; nomenclature qui a été très souvent utilisée dans les études sociologiques et qui a donné naissance à cette catégorie « mixte », inconnue en France, des « Italo-Américains » ou « Hispano-Américains », etc. En France, l’expression « deuxième génération » n’est utilisée couramment que depuis une dizaine d’années ; encore faut-il noter qu’elle s’applique essentiellement aux enfants de Maghrébins, ceux qu’on appelle les « Beurs » (contraction du mot « arabe » en « verlan »), qui ont l’honneur de figurer maintenant dans le dictionnaire. En fait l’expression s’est imposée en dehors du monde de la recherche, et aucune définition précise n’a encore été proposée, ce qui pour certains est la preuve de l’inanité du concept. Il nous semble pourtant très important de proposer une définition objective de la « deuxième génération », non pas pour désigner des individus, mais pour donner à voir un processus historique et sociologique que les catégories de pensée traditionnelles ne permettent pas d’appréhender. L’effort qui a été tenté ici est de soustraire le concept à ses usages polémiques qui font l’actualité mais pas la science, pour proposer des éléments de définition capables de rendre compte d’un problème dans toute sa généralité. La mise en perspective historique est donc ici encore une nécessité. Nous ne manquons d’ailleurs pas de matériaux pour la mener à bien. Il est faux en effet de dire, comme on l’entend si souvent, que l’intérêt pour la « deuxième génération » est né avec les « Beurs ». Il suffit de consulter les écrits juridiques du XIXe siècle sur le droit de nationalité pour s’apercevoir que, déjà dans les polémiques qui ont entouré la rédaction du Code civil, la question des enfants d’étrangers a été abordée et parfois explicitement nommée sous le vocable de « deuxième génération ». A toutes les époques de stabilisation des vagues migratoires, le courant intellectuel que nous avons situé dans le premier chapitre comme constitutif du pôle des « origines » a traité de cette question. Enfin et surtout, le « patrimoine culturel » français compte un très grand nombre d’œuvres littéraires qui évoquent ce problème sous une forme ou sous une autre et qui abordent le thème tant rebattu aujourd’hui de l’« identité des jeunes d’origine étrangère ». Il est pour le moins paradoxal de voir tant de « sociologues » qui s’évertuent à infliger à des jeunes qui n’en peuvent mais des questionnaires sur leur « identité », des tests du « qui suis-je ? » et qui ignorent superbement les témoignages de tous ceux qui ont décrit parfois avec une extraordinaire sensibilité cette expérience spécifique, sans qu’il soit nécessaire de les y contraindre.



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