Le collier rouge by Jean-Christophe Rufin

Le collier rouge by Jean-Christophe Rufin

Auteur:Jean-Christophe Rufin [Rufin, Jean-Christophe]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature
Éditeur: Gallimard
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


VI

Valentine n'avait pas voulu entrer. Elle se tenait debout devant la porte de l'hôtel. Lantier, quoiqu'il ne fût bon à rien avant d'avoir bu son café, la reconnut de loin. Il ne s'attendait pas à sa visite, du moins pas tout de suite et pas au petit matin. Mais elle avait dû réfléchir toute la nuit sans fermer l'œil, et maintenant elle était là, le visage fermé, sa résolution prise.

— Bonjour, Valentine, dit-il en sortant sur le seuil. Entrez, je vous en prie. Venez boire un café.

Elle tenait un panier à deux mains et le balançait à bout de bras, avec un air gêné. Lantier pensa à son père, l'agitateur politique, à qui Gabarre prétendait qu'elle ressemblait. C'était sans doute un personnage dans le même genre, capable de mettre le feu à une maison bourgeoise mais intimidé d'y être invité. Il finit par la convaincre et elle entra.

Quand il la suivit dans les couloirs de l'hôtel, avec leurs murs tapissés de papier peint et ornés de tableaux, il comprit ce qui la retenait. Chez elle, elle était en harmonie avec le décor. Ici, sa robe grossière et ses galoches en bois lui donnaient l'allure d'une souillon.

Il la conduisit à l'arrière du bâtiment sur une petite terrasse où étaient disposées des chaises de jardin. Elle était moins déplacée dans ce cadre extérieur que dans les salons ornés de stucs.

Il commanda un café. Elle ne voulut rien prendre. Dans ce refus, on sentait une volonté absolue de ne pas demander quoi que ce soit à ceux qu'elle considérait comme ses ennemis. Plus modéré, ce principe aurait pu paraître respectable et même redoutable. Poussé à l'extrême et appliqué aux choses les plus insignifiantes, comme une tasse de café, il prenait un aspect risible et puéril.

Elle avait posé son panier par terre et elle faisait mine de fouiller dedans, pour garder contenance. Quand la servante eut apporté le café pour Lantier et qu'ils furent tranquilles, elle se lança, sans préliminaires, avec un regard menaçant :

— Finalement, je veux le voir. Et je veux qu'il sache.

— Je le lui ai suggéré mais...

— C'est certain, il dira non. Mais il ne faut pas seulement que vous le suggériez.

Elle avait imité le ton flûte sur lequel Lantier avait prononcé ce mot. Cette simple intonation suffisait à mesurer la violence qui l'habitait quand elle pensait à l'armée.

— Que voulez-vous que je lui dise, exactement?

— Que je dois le voir. Qu'il le faut. Et que je le veux.

— Comptez sur moi. Je viendrai chez vous pour apporter moi-même sa réponse, s'il change d'avis.

— Ce ne sera pas nécessaire.

— Pourquoi?

— Je vais rester en ville en attendant.

Lantier avait marqué sa surprise en haussant un sourcil.

— Je connais une marchande de légumes qui vend ses produits sur le marché à côté de moi. Elle m'hébergera le temps qu'il faudra. Elle habite derrière la halle.

— Très bien.

— Il a droit aux lettres ?

— Oui, mais le geôlier les ouvre et les lit.

— En ce cas, autant parler, siffla-t-elle.

Elle s'était levée et avait saisi son panier, le calant sur sa hanche comme une lavandière.



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