Le camphrier dans la ville flottante by Nicolas LABARRE

Le camphrier dans la ville flottante by Nicolas LABARRE

Auteur:Nicolas LABARRE
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 978-2-36183-460-9
Éditeur: les moutons électriques, éditeur
Publié: 2018-04-18T16:00:00+00:00


Chapitre 10 – La main au collet

La sirène ramène Luc plusieurs heures en arrière, vers des corps pressés et meurtris, vers les cris de l’armée dépenaillée saisie par la panique de l’affrontement. Le son qui emplit les coursives du quatrième niveau a un timbre un peu différent de celui qui fait résonner ses souvenirs, cependant. Cette sirène-ci assourdit, mais n’annihile pas toute réflexion, elle s’insinue dans son corps, mais n’en habite pas chaque nerf, chaque muscle. À moins que sa propre sensibilité ne soit désormais amoindrie, rendant supportable le vacarme qui assaille les autres passagers.

Quine lui ouvre le chemin, et il remonte à sa suite le flot léthargique, aspiré par sa détermination, contre l’apathie résignée des hommes et des femmes qu’ils croisent. La dureté de Quine ne le surprend plus. Elle repousse du coude et du bras ceux qui ne s’écartent pas assez vite de son passage, comme elle a mis à terre leur cambrioleur, et parvient à progresser malgré la densité croissante de la foule, à mesure que les passagers quittent leur cabine. Lorsque le flot devient proprement impénétrable, elle renonce cependant à sa tactique frontale, et entraîne Luc dans un couloir transversal. Comme elle lui lâche la main, son épaule et ses biceps joignent leur voix au chœur des douleurs qui le secouent. Les dernières traces d’analgésique ont déserté son organisme, et la fatigue s’ajoute aux contusions de la nuit précédente.

Il reprend son souffle en observant Quine qui, postée à l’angle de la coursive, attendant que se tarisse le flot qui se déverse orthogonalement à leur refuge. Quand les premiers interstices apparaissent, elle lui fait un signe de tête. Luc n’attend pas qu’elle se saisisse de son bras, et se remet en route avec toute l’assurance dont il se sent capable.

Les passagers qui se dirigent encore vers la zone de confinement sont les plus lents, les plus maladroits. Quine se faufile entre eux avec une adresse qui lui rappelle celle d’Elwood, la veille, dans les couloirs du cinquième niveau. Elle évite un homme claudiquant, une femme obèse, puis une autre, anticipant sans coup férir leur trajectoire maladroite. Le pas de la jeune femme n’a pas la même exubérance que celui de l’Anglais, elle ne s’enivre pas de sa propre compétence, mais elle se déplace comme elle parle, en arêtes acérées et trajectoires limpides. Comme la veille derrière l’Anglais, Luc ne peut qu’admirer cette maîtrise et tenter de l’imiter, mais comme la veille, l’espace entre eux ne cesse de grandir. Une femme en sueur, dont les jambes tremblent de panique, l’oblige à se plaquer contre la paroi. Il danse ensuite un ballet maladroit avec un homme de son âge, qui cherche à le laisser passer sans jamais poser les yeux sur lui.

Alors qu’il presse le pas pour combler son retard, il vient heurter Quine et l’épaule, et remarque tardivement qu’elle s’est arrêtée au milieu de la coursive.

Deux membres des équipes de sécurité du navire, aux uniformes froissés et aux visages tendus, se tiennent face à elle, agitant devant eux des tubes blancs laiteux trop familiers.



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