Climats passés, climats futurs by Jean Jouzel

Auteur:Jean Jouzel [Jouzel, Jean]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: CNRS
Publié: 2019-09-12T07:37:56+00:00

Gaz à effet de serre et réchauffement climatique

Ce qui me motive, et c’est aussi le cas pour des collègues comme Claude Lorius et beaucoup de glaciologues, est certes de reconstituer les climats passés, leurs caractéristiques (c’est important par exemple, de mettre en parallèle l’évolution du climat par rapport à l’évolution de nos civilisations). Mais ces enregistrements du passé nous apportent aussi des informations pertinentes vis-à-vis de son évolution future. C’est cet objectif qui a guidé toute ma carrière scientifique.

Je vous ai déjà cité deux exemples de mécanismes passés qui ont été mis en lumière : celui du rôle important de l’effet de serre dans le climat qui pose la question de l’impact de certaines activités humaines ; et celui des variations climatiques rapides qui pose la question de la stabilité du climat. L’un comme l’autre sont intéressants pour l’appréhension du climat futur.

Mais d’autres mécanismes passés ont été observés et analysés. On a ainsi pu tirer beaucoup d’enseignements des variations de l’élévation du niveau de la mer dans des périodes passées. C’est assez intrigant par exemple, de constater qu’il y a 120 000 ans, alors que le climat était de façon tout à fait naturelle un peu plus chaud qu’aujourd’hui (entre un et deux degrés au maximum), le niveau de la mer était de six mètres plus élevé. Il y a donc une sensibilité très importante de l’élévation du niveau de la mer, de la fonte des calottes de glace, par rapport à des réchauffements climatiques qui sont limités à quelques degrés.

Evoquons aussi la variabilité du climat. Si on veut être capable de qualifier le climat des cinquante dernières années, et de savoir si la période actuelle est exceptionnelle en termes de climat, avoir 150 années de données n’est pas suffisant. C’est grâce aux nombreux travaux permettant de reconstituer le climat du dernier millénaire, que nous pouvons apporter des réponses à ces questions, et à celles qui portent sur l’évolution du climat futur. Je citerai un dernier exemple : est-ce que les phénomènes El Niño, qui ont existé dans le passé, se modifient en fonction de la température, des conditions climatiques… ? Y répondre est d’une importance capitale pour le présent et le futur.

C’est poussé par cette soif de comprendre et cette volonté de communiquer l’importance de nos travaux, que j’ai suivi de près la création du GIEC en 1988. Le GIEC est le résultat d’une décision politique prise par le G7. Il se met en place dans le cadre des Nations unies, avec deux parrains : l’Organisation météorologique mondiale d’une part et la branche Environnement des Nations unies, d’autre part, qui sont toutes deux elles-mêmes liées aux Nations unies. Dans le premier rapport publié en 1990, le GIEC prédit clairement ce que nous vivons aujourd’hui : un réchauffement de quelques dixièmes de degrés par décennie. Les rapports suivants prédisent une variabilité des événements extrêmes plus forte que celle qu’on a connue il y a une trentaine d’années.

Ce premier rapport est suffisamment clair pour que, au sommet de la Terre de

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