L'audio-vision by Chion Michel

L'audio-vision by Chion Michel

Auteur:Chion, Michel [Chion, Michel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai, Esthétique, Cinéma, France
Éditeur: Le Toto Invisible - GT
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


5. VISUELS DE L’OREILLE, AUDITIFS DE L’ŒIL

5.1 Un visuel qui laisse des traces sonores

Le son et l’image ne sont pas à confondre avec l’oreille et la vue. En témoignent les cinéastes qui peuvent être appelés des auditifs de l’œil.

Qu’est-ce à dire ? Qu’il peut y avoir entre les sens, grâce au cinéma, bien plus que des correspondances à la Rimbaud (« A noir, E blanc, I rouge », etc.), mais de véritables chasses-croisés. Et que dans l’image d’un film, on peut mettre de l’auditif, comme l’ont fait Orson Welles ou Ridley Scott, ou dans le son du visuel, tel Godard. Que signifie alors le mot « auditif », s’il ne s’agit pas d’une sensation qui s’adresse à l’oreille ?

Depuis Duellistes, la première œuvre de Ridley Scott, on aura remarqué cette manie qu’a le réalisateur anglais d’agiter la lumière, de la faire vibrer, murmurer, papilloter à tout propos et sous tous les prétextes : soit par les taches de lumières mobiles et chatoyantes d’un sous-bois dont le vent remue les feuilles (dans Legend) ; soit ce sont des phares de véhicules volants qui balaient sans répit l’intérieur d’un appartement du futur (Blade Runner) ; ou encore, dans Traquée, les fameuses fumées new-yorkaises, qui jaillissent d’un sous-sol infernal perpétuellement sous pression, ne cessent de faire derrière les personnages un halo de blancheur mouvante. Quand ce n’est pas le light-show d’une boîte de nuit qui impose son effet stroboscopique, et découpe le plan en micro-perceptions ultra-rapides.... On a alors le sentiment que cette volubilité visuelle, que ce ramage lumineux est une transposition, dans l’ordre du visible, de la vélocité sonore.

Nous avons dit par ailleurs – et le cinéma le prouve notamment dans les scènes d’action – que le pouvoir séparateur temporel de l’oreille est incomparablement plus fin que celui de l’œil : là où ce globe paresseux, à vingt-quatre images fixes par seconde, croit voir du continu (il n’est pas difficile !), il faut à l’oreille un taux d’échantillonnage beaucoup plus élevé. Et là où l’œil se laisse vite dépasser lorsque l’image lui montre un déplacement ultrabref, se contentant – comme hébété – de remarquer que ça bouge, sans pouvoir analyser le phénomène, l’oreille a eu le temps de reconnaître et de dessiner nettement, sur l’écran perceptif, une série complexe de trajets sonores ou de phonèmes verbaux...

Inversement, une certaine rapidité donnée à l’image paraît s’adresser à l’oreille qui est dans l’œil, pour être convertie dans la mémoire en impressions sonores. Notamment chez Ridley Scott qui aime combiner, à l’inverse de ce que l’on fait d’habitude, de grandes nappes sonores larges et résonnantes, côté son, avec un fourmillement de la texture visuelle, côté image : les premières pourront fort bien devenir des souvenirs visuels (d’espace), tandis que le second laissera la trace d’un phénomène entendu.

On peut penser aussi à ce grand auditif qu’était Welles, qui cultivait la vitesse du montage et du dialogue, et dont les films laissent, après leur vision, le souvenir d’une surabondance d’effets sonores. Or, si on les regarde sur cassette



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