L'Aube à Birkenau by Veil Simone

L'Aube à Birkenau by Veil Simone

Auteur:Veil, Simone [Veil, Simone]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Française, Autobiographie
Éditeur: Les Arènes
Publié: 2019-02-14T23:00:00+00:00


Les clivages politiques étaient violents. Il ne s’agissait pas de la place de l’État dans l’économie, question sur laquelle gaullistes et socialistes avaient à peu près la même vision. On s’affrontait sur la décolonisation et, quelques années plus tard, on s’est affronté sur l’Europe.

Sur cette dernière question, au début des années 1960, je me sentais proche des socialistes. Les gaullistes avaient une vision beaucoup plus « souverainiste », intransigeante. Leur conception rejetait l’intégration européenne au profit d’un lien beaucoup plus lâche. Ces clivages rendaient très difficile l’émergence de ce qu’on appelait alors la « troisième force ».

Dans ces alliances et ces conflits des années 1960, il y avait pour moi des points fixes, non négociables. Je n’aurais jamais accepté une alliance avec le Parti communiste.

Sur ce point, je n’ai jamais bougé. En 1974, il était exclu pour moi de voter pour la gauche, en raison du Programme commun qui rassemblait socialistes et communistes. J’avais alors une image très négative des régimes communistes, tant de l’URSS que de ce qu’on appelait les « républiques populaires » de l’Est européen. Cela ne m’empêchait pas d’entretenir de très bonnes relations individuelles avec beaucoup de communistes. J’estimais leur rigueur et la fermeté de leurs convictions. Mais ils m’apparaissaient comme les victimes d’une terrible duperie.

Pour les communistes français, le Parti représentait tout : c’était leur famille, leur environnement, leur foi, au sens quasiment religieux. Il a fallu que le monde tremble, en 1989, pour qu’ils acceptent ce qui sautait aux yeux. Ils ont payé le prix. Un prix exorbitant.

Cela, c’est au camp que j’ai commencé à le comprendre, alors même que les communistes étaient bien moins présents à Auschwitz-Birkenau qu’à Buchenwald, par exemple. J’ai perçu leur dogmatisme effrayant. L’évidence s’imposait. Ceux qui adhéraient à cette religion politique devaient tout donner d’eux-mêmes, sans retour possible. En Suisse, lors de ce séjour pour anciennes déportées, j’ai rencontré quelques jeunes communistes, qui m’étaient par ailleurs sympathiques. Une fois, au cours d’une conversation, en août 1945, j’ai eu le malheur de dire que, pour la culture et le mode de vie, nous étions plus proches des Allemands – le régime nazi mis à part – que des Russes. J’avais prononcé les mots qu’il ne fallait pas prononcer. À leurs yeux, cette opinion était scandaleuse. Elle valait exclusion du groupe. J’ai quitté la résidence suisse très peu de temps après.



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