L'atelier de Marie-Claire by Marguerite Audoux

L'atelier de Marie-Claire by Marguerite Audoux

Auteur:Marguerite Audoux [Audoux, Marguerite]
La langue: fra
Format: epub
Tags: fiction
ISBN: 978-2-8247-1236-9
Éditeur: Bibebook
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


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Chapitre 12

Depuis le jour où Clément était entré dans ma petite chambre, ma vieille voisine semblait avoir oublié les vignes de son pays pour ne plus se souvenir que de son amour malheureux. Elle en parlait comme d’une histoire récente, et quand il m’arrivait de la regarder par hasard, j’étais toujours étonnée de la trouver vieille.

Elle ne se rappelait absolument rien de son enfance. Toutes ses peines et toutes ses joies dataient de ses dix-huit ans, comme si la vie n’eût vraiment commencé pour elle qu’à cet âge.

C’était à ce moment-là que l’amour était entré dans son cœur. Il y était entré si profondément que rien n’avait pu l’en chasser et que je l’apercevais comme un feu mystérieux qui la réchauffait sans cesse et empêchait ses lèvres de se flétrir.

Tout au début de ses confidences, elle avait mis un peu d’amertume dans son accent, pour dire : « Il nous voyait si coquettement vêtues, ma sœur et moi, qu’il s’imagina que nous étions riches ; mais quand il sut que nos parents ne nous donneraient pas même une livre d’or en mariage, il se détourna de moi pour en épouser une autre. »

Son état d’exaltation augmenta avec l’idée que je pourrais devenir un jour la femme de Clément. À l’atelier, elle était à l’affût de tout ce que pouvait dire Mme Dalignac sur son neveu. Et le soir elle n’attendait pas toujours que nous fussions chez nous pour me répéter qu’elle désirait ce mariage de tout son cœur. Elle faisait des projets à ce sujet, et s’il m’arrivait d’en rire, elle se fâchait. Puis, elle parut oublier qu’il s’agissait de mon avenir et non du sien, et bientôt elle parla de ce mariage comme d’un bonheur qui lui était dû.

En ce jour de Noël notre maison ressemblait à une cage ouverte. Les enfants s’en échappaient avec des cris joyeux et les appels des parents se perdaient dans la dégringolade continuelle de l’escalier.

Pour tout le monde c’était un beau jour de fête, mais pour Mlle Herminie, c’était surtout un jour de beaux souvenirs.

Il était tout pareil à celui-ci, le Noël qui avait vu son fiancé dans la maison de ses parents, et, tout comme aujourd’hui, les enfants battaient joyeusement du tambour et soufflaient à grands coups dans des trompettes de fer-blanc. Notre repas préparé avec soin la laissa presque indifférente, tant elle avait de choses à dire.

Je l’écoutais parler. Une sorte de jeunesse lui mettait du rouge aux joues et ses rides paraissaient moins creuses.

Cependant, lorsqu’elle eut dit tout au long la joie de ce jour lointain, elle ramena ma pensée vers Clément.

Nous savions par Mme Dalignac qu’il viendrait en permission pendant les fêtes et qu’il profiterait de ce temps pour parler d’une chose très sérieuse qui engagerait toute sa vie.

Le patron s’était moqué au reçu de la lettre de Clément :

— Té ! c’est clair, il va t’annoncer qu’il est amoureux d’une belle jeune fille et qu’il veut se marier.

Mme Dalignac n’avait rien répondu, mais son regard était devenu fixe comme si elle cherchait à voir au loin la belle jeune fille que son neveu avait choisie.



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