L'affaire Kravtchenko by Nina Berberova

L'affaire Kravtchenko by Nina Berberova

Auteur:Nina Berberova
La langue: fra
Format: epub
ISBN: EPUB9782330030049-80777
Éditeur: Éditions Actes Sud
Publié: 2014-07-14T16:00:00+00:00


La veuve de Heinz Neumann

A la reprise, la parole est donnée à une femme encore jeune, de petite taille, qui s’exprime en allemand. Elle est une communiste allemande – la veuve de Heinz Neumann, membre du Bureau politique allemand et (avant la guerre) du Komintern, tué en Russie1.

La salle écoute son témoignage avec une attention soutenue, et, disons-le franchement : ce témoignage vaut à lui seul dix ans de propagande anticommuniste.

Mme Neumann vit aujourd’hui à Stockholm. Elle est écrivain. Elle milita aux jeunesses communistes allemandes de 1921 à 1926. De 1926 à 1937, elle fut membre du parti communiste allemand. Son mari resta membre du Komintern jusqu’en 1931, date à laquelle il fut écarté pour déviationnisme. Son déviationnisme consistait dans le fait qu’il était prêt à se battre contre Hitler par n’importe quel moyen alors que Staline exigeait que la lutte contre Hitler fût limitée au plan “idéologique”. “Si l’Allemagne devient nationale-socialiste, disait Staline, l’Europe s’occupera d’elle et nous laissera tranquilles.”

Neumann et son épouse sont d’abord envoyés en Espagne, puis ils quittent l’Allemagne pour la Suisse. Là, ils sont expulsés et se retrouvent à Moscou en 1935. Ils y vivent comme en prison. Ils sont surveillés. Son mari est considéré comme un élément douteux, il passe pour un insoumis.

En 1936, Dimitrov le convoque au Komintern et l’interroge. On lui propose d’écrire un livre dans lequel il confesserait ses fautes, mais il refuse.

Neumann est arrêté en 1937. C’est seulement huit mois plus tard que sa femme apprend qu’il se trouve à la Loubianka. Mais elle ne pourra plus le revoir et n’entendra plus jamais parler de lui. Elle est arrêtée elle-même en 1938.

Elle parle des interrogatoires nocturnes, de la sœur d’Unschlicht2, de la lecture de la sentence (cinq ans de camp), de son transport au Kazakhstan.

— J’ai vu le camp. Il était deux fois grand comme le Danemark, dit-elle. J’ai porté plainte. Pour cela, j’ai été enfermée dans une section spéciale, où le régime était encore plus dur.

Me BLUMEL (avocat des Lettres françaises, le seul non-communiste, membre du parti socialiste, ancien directeur de cabinet de Léon Blum) : Ce n’était pas un camp, c’était un lieu de résidence forcée. Comment un camp peut-il être aussi grand ?

Mais Mme Neumann explique que, même s’il n’y avait pas de mur, il y avait des sentinelles, on n’avait pas le droit de communiquer, on n’avait pas le droit de s’éloigner à plus de cinq cents mètres ; elle parle en détail des quatre différentes cuisines de ce camp – les uns avaient droit à une nourriture meilleure, les autres à une très mauvaise ; elle évoque les normes de travail, les cachots.

Arrive janvier 1940. D’après le pacte germano-soviétique, les Soviets doivent rendre à l’Allemagne tous les citoyens allemands se trouvant sur leur territoire. On vient la chercher, et, avec d’autres femmes, elle se retrouve dans un point de transit où elle reçoit des habits neufs, on lui donne un bon repas – elle a même droit au coiffeur. Après cela, trente personnes sont installées dans un wagon.



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