La Vie de la Vie by Edgar Morin

La Vie de la Vie by Edgar Morin

Auteur:Edgar Morin [Morin, Edgar]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Sociologie
Publié: 2013-07-14T22:00:00+00:00


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L’État des grands empires pouvait être à la tête d’un corps énorme, mais fragile. Les empires hétérogènes étaient déchirés par les conflits intérieurs et disloqués par les agressions extérieures. Ces dinosaures meurent, après avoir écrasé les grandes civilisations des petites cités. Mais des États sauront patiemment tisser une société fortement intégrée et cohésive : la nation. Il a fallu de longues gestations historiques pour que s’effectue, non seulement par contraintes et administration, mais aussi par échanges et symbioses, l’intégration de particularismes locaux et d’identités provinciales dans un peuple, unifié par la langue et la culture, se reconnaissant en solidarité organique, et s’identifiant en un État national.

La nation, en dépit des asservissements, divisions, conflits de classes qui lui sont intérieurs, finit par constituer une communauté mythico-réelle. En fait la diversité génétique est considérable, non seulement entre individus, mais entre ethnies constitutives de la nation. Mais c’est la nation elle-même qui se concrétise en genos mythique, apparaissant comme un Être de substance à la fois maternelle (nourricière, aimante, qu’il faut aimer) et paternelle (incarnant la juste autorité qu’il faut respecter) à l’égard de ses ressortissants qui se sentent « enfants » de leur « mère-patrie », fraternellement voués à sa défense et à sa gloire.

Ainsi l’entité de troisième type, sous le visage de la nation, devient être, individu et sujet s’auto-transcendant aux yeux de ses membres. Ceux-ci ne cessent pas d’être individus-sujets. Mais ils portent très profondément dans leur identité subjective leur identité nationale. Ils nourrissent de leur sève subjective le Sujet qui les assujettit et leur renvoie en retour sa sève nourricière.

Certes, et nous allons le voir, l’intégration est très imparfaite dans ces nouveaux grands Êtres de troisième type. On est très loin et de l’organisme, et de la fourmilière. Les conflits politiques et sociaux y sont endémiques et peuvent aller jusqu’à la guerre civile, l’appel à la puissance étrangère. La lutte entre individus, factions, groupes fait rage pour l’appropriation du gouvernement et le contrôle de l’État ; l’autorité de l’État, toujours parasitée par ambitions et intérêts particuliers, n’est pas reconnue par tous comme autorité du Tout. Un formidable grouillement de compétitions, concurrences, exploitations, désordres constitue le tissu même de la vie sociale, analogue en cela à la vie écologique. Les nations les plus achevées sont inachevées, mal achevées, soumises à des forces éruptives et dislocatrices. Toutefois, nous l’avons vu pour les soleils, il peut y avoir de l’être et de l’organisation dans la fureur du feu, des éruptions, des explosions. Nous l’avons vu pour les éco-systèmes, une entité vivante peut constituer son unité dans, par et malgré un grouillement de désordres, conflits, antagonismes. Et nous allons voir que la composante éco-organisationnelle est fondamentale dans nos sociétés historiques. Aussi, le désordre sociétal, les luttes et divisions sociales, l’écologie sociale ne doivent pas nous masquer ce qui est apparu dans sa fascinante évidence aux philosophes et historiens du XIXe : l’entité , qu’on la considère sous l’aspect de l’État ou sous celui de la nation, est un être vivant.

Michelet avait très concrètement



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