La Russie entre deux mondes by Carrère d'Encausse

La Russie entre deux mondes by Carrère d'Encausse

Auteur:Carrère d'Encausse
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Fayard


Le partenariat stratégique avec la Chine

Bobo Lo, qui est peut-être le meilleur connaisseur au monde des relations sino-russes, a suggéré, au terme de la longue étude qu’il leur a consacrée : « Le partenariat stratégique entre ces deux pays est un complexe d’ambivalence et d’ambiguïtés où la réalité est très peu conforme aux apparences18. » Ou encore, écrit-il, ce partenariat est un arrangement opportuniste, un axe de commodités, et, dirions-nous, une alliance ou un mariage de raison. Ce jugement, fort éloigné de ce que nous voyons de la relation russo-chinoise telle qu’elle s’est développée au cours des dernières années, mérite pourtant de servir de toile de fond à l’examen des faits.

En 2000, Vladimir Poutine peut dresser le constat d’un rapprochement continu avec la Chine dont le mérite premier est d’avoir mis en veilleuse le lourd contentieux historique qui, des traités inégaux19 à la bruyante querelle sino-soviétique, a durablement opposé Moscou et Pékin. Le partenariat stratégique élaboré en 1996 a été à l’origine d’un réel progrès, suggérant que la méfiance, voire la peur qui ont toujours présidé aux relations entre les deux pays n’ont peut-être pas disparu, mais se sont atténuées. Pour la sensibilité collective russe, la conscience d’un danger venu de l’Est – qui, dès le XIXe siècle, est nommé péril jaune – est difficile à dépasser, d’autant plus qu’à la fin du XXe siècle la société est pour la première fois bien informée de la menace de dépopulation qui la guette, et qu’elle assiste dans le même temps à l’extraordinaire expansion de la population chinoise. Cette opposition entre les deux pays et entre leurs moyens humains n’a cependant pas empêché les responsables russes – de Gorbatchev à Poutine – de s’engager dans un jeu chinois dont l’objectif affiché a été de conclure un partenariat stratégique. Pour tous les responsables russes, il fallait s’adapter à un monde précis, mais aussi à la fluidité de l’environnement international qui en modifiait les données.

En 2000, Poutine reprend à son compte le projet, cher à Boris Eltsine, de mettre sur pied un trio Russie-États-Unis-Chine. Ce trio, où la Russie ne se présenterait pas seule face aux États-Unis, mais forte de son alliance avec la Chine, lui donnerait les moyens d’équilibrer la puissance américaine et, au bout du compte, de contraindre Washington à la reconnaître comme puissance globale. Autre avantage que la Russie espérait ainsi tirer de son statut spécifique d’État eurasiatique : la reconnaissance de son rôle de pont entre l’Occident et l’Orient, au premier chef entre les États-Unis et la Chine.

Ainsi, dans la conception russe qui prévaut au début du XXIe siècle, le partenariat stratégique avec la Chine a-t-il pour fonction de créer une nouvelle donne internationale où les États-Unis, au lieu de dialoguer avec une Russie alors en état d’infériorité, participeraient à un triangle égalisant le poids des deux pays. Cette version initiale du partenariat stratégique visait avant tout un objectif : obtenir de Washington la reconnaissance du statut de grande puissance. Dans cette manœuvre, la Chine n’était pas l’alternative à la



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