La nature de la nature by Edgar Morin

La nature de la nature by Edgar Morin

Auteur:Edgar Morin [Morin, Edgar]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Sociologie
Publié: 2013-03-22T23:00:00+00:00


V. Le désordre actif : la désorganisation permanente

Désordres et antagonismes en action

Le désordre est inhibé et virtualisé dans les systèmes non actifs ; il ne s’y actualise que pour les corrompre et les détruire. Par contre le désordre est présent, virulent dans les organisations actives : il est potentiellement destructeur, mais, en même temps, il est toléré jusqu’à un certain degré, nécessaire jusqu’à un certain degré…

Tout est actif dans les organisations actives, y compris le désordre. Ce désordre, il a différents visages : instabilité, déséquilibre, aléa, rupture, antagonismes, accroissement d’entropie, désorganisation. Or nous avons vu que ces traits sont à la fois originaires et constitutionnels. De génésiques, ils sont devenus génériques ; les tourbillons de Bénard naissent d’une instabilité, ils ne peuvent se stabiliser que dans cette instabilité, et produisent leur forme par dissipation d’énergie. Les tourbillons éoliens naissent de la rencontre de deux flux contraires, et ne peuvent subsister que si se maintient leur antagonisme. Les soleils naissent de deux actions antagonistes, dont la combinaison produit leur boucle génératrice et régulatrice. Le remous naît de la présence d’un élément rupteur dans un flux, et cet élément devient le noyau autour de quoi se polarise et s’organise le remous. On peut supposer que la vie soit née, comme le suggère Thom, d’une « lutte de sous-systèmes à effets opposés qui se neutralisent dans la zone optimale d’homéostasie » (Thom, 1974, p. 147) ; elle se maintient, on le verra, à travers désordres, conflits, antagonismes.

Tous ces êtres, tous ces existants perdurent dans et par le déséquilibre et l’instabilité, qui nourrissent le méta-déséquilibre et la méta-instabilité, c’est-à-dire les stationnarités et les homéostasies.

Mieux : chaque terme, chaque action, chaque processus, pris isolément, est désordre ou conduit au désordre. Ensemble, ils font vivre l’organisation, c’est-à-dire la boucle dont la vertu est de combiner et transmuter les désordres en générativité. La boucle se construit avec le désordre, le surmonte, le combat, le refoule, le tolère. L’antagonisme demeure un principe génésique, générique, génératif pour toutes boucles rétroactives et récursives. Les régulations sont nées des jeux antagonistes dans les étoiles et les tourbillons, et l’antagonisme en demeure le moteur et la clé de voûte. L’antagonisme n’est pas pour autant éliminé des régulations informationnelles. Les rétroactions négatives constituent des actions antagonistes aux antagonismes qui les menacent. L’antagonisme est dans un sens indissociable de la régulation qui le corrige et le refoule. Yves Barel remarque fort justement qu’il ne suffit pas de dire que la régulation suppose des processus antagonistes, il faut aussi dire que les processus antagonistes supposent leur régulation (Barel, 1976) : si la régulation disparaît, la machine saute, et les forces, antagonistes au sein du système, deviennent dispersives et dispersées hors système. Ainsi l’antagonisme actif s’inscrit nécessairement dans toute organisation active.

La présence du désordre et de l’antagonisme dans l’organisation active est complexe, c’est-à-dire complémentaire, concurrente, antagoniste et aléatoire à l’égard de cette organisation.

Elle est concurrente dans le sens où l’organisation tolère un certain degré d’aléa et de désordre. Elle est complémentaire dans le sens où l’organisation



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